Chaque vendredi, une quinzaine d’étudiants se retrouve au centre sportif universitaire (CSU) d’Aix-en-Provence. Encadrés par l’association Les Somatophylaques*, ils s’initient à la lance grecque, un sport inspiré des arts martiaux antiques.
Et si on revenait une quinzaine de siècles en arrière ? Rendez-vous chaque vendredi, lances en main. Au gymnase du Centre sportif universitaire, une quinzaine d’étudiants arrive pour sa séance hebdomadaire de lance grecque. Pieds nus sur le sol, ils courent en ligne, s’étirent, plaisantent. Une bande de copains plus qu’un groupe d’athlètes. L’ambiance est légère, presque familiale.
Sur le papier, il s’agit d’un cours du SUAPS, au même titre que la natation ou le volley-ball. En réalité, la discipline intrigue. Dans ce sport, on se bat comme dans la Grèce antique. Les boucliers sont en bois, les lances en carton renforcé, les casques rappellent ceux de l’escrime. Au bout des armes, un morceau de mousse colorée. De quoi frapper fort sans danger.
L’échauffement démarre. Courses en rythme autour du terrain, puis gammes athlétiques. Les étudiants avancent accroupis, façon crabe, pour préparer le combat. Rires et souffle court. Entre deux pauses, on parle des cités grecques, du rôle du bouclier ou de la composition d’une phalange (corps de combattants armés, formé en rangs et serrés).
Une pratique à mi-chemin entre sport et reconstitution
Leny, étudiant en première année d’Histoire, pratique depuis deux ans. « C’est un ami qui m’a fait remarquer qu’il y avait plusieurs sports sur le site d’AMU et en regardant on a trouvé celui-là. Au début, j’étais comme un gamin ». Passionné d’Antiquité, il revient chaque semaine sans hésiter. « On alterne une séance sur deux entre session duel et session phalange ». Dans la première, il faut toucher son adversaire ; dans la seconde, désorganiser le groupe d’en face. « Je ne suis pas forcément sportif, mais la plupart de l’activité physique qu’on fait, c’est à l’échauffement. Les duels ne durent pas plus de cinq minutes ». Il sourit : « Dans cette pratique, tout me plaît ».
Le cours dure une heure et demie. Trente minutes d’échauffement, trente de technique, trente de combat. Aujourd’hui, travail du demi-tour : jeter le bouclier, le rapporter, repartir. Les gestes sont précis, répétés jusqu’à la fatigue. Les voix résonnent, les encouragements fusent.
Entre camaraderie et passion de l’Histoire
Maurin Ostenga-Gaïero veille sur le groupe. Étudiant en master d’Histoire et membre de l’association Les Somatophylaques, il encadre les séances depuis plusieurs années. « C’est un sport car il y a le côté physique. On va travailler le côté technique, mais aussi l’aspect arts martiaux ». À ses côtés, un professeur référent de l’Université et d’autres intervenants de l’association. « Sur le site du SUAPS, on parle de lance grecque, mais techniquement ce que l’on fait, ce sont des arts martiaux historiques européens. Le but, c’est de reconstituer les systèmes de combat ».
Les équipements sont artisanaux. « On a une panoplie minimale, comme à l’époque où chaque citoyen devait apporter son propre matériel. Ici, on les a faits nous-mêmes ». Les lances ne pèsent que quelques centaines de grammes, mais « elles sont sécurisées et permettent de mettre 95 % d’intensité dans nos combats ».
Les assauts reprennent. Trois manches. Toucher sans être touché. L’intensité monte et les coups sont francs. Mais surtout, rien n’est chorégraphié. « Ce n’est pas une mise en scène, on fait de vrais combats sportifs ».
Autour de Maurin, une vingtaine d’étudiants aux profils variés. « Les gens qui viennent dans ce cours sont à minima curieux. On retrouve beaucoup d’historiens, mais pas que : parfois des linguistes ou des sociologues. Cette année, on a quelques filles, quatre ou cinq. Elles sont toujours très investies ».
Une fois la séance terminée, les discussions reprennent… toujours sur la Grèce antique. Une passion à mi-chemin entre sport, reconstitution et camaraderie. Un moment suspendu chaque vendredi, où les étudiants rejouent l’histoire… lances en main.
Marius Linarès
*traduction littérale « gardes du corps »