Vendredi 10 octobre, lors de l’avant-première à Aix-en-Provence de “Marcel et Monsieur Pagnol”. En présence de Sylvain Chomet ( à gauche)

Vendredi 10 octobre 2025, le chant des cigales s’est invité au Cézanne. À l’occasion de l’avant-première de Marcel et Monsieur Pagnol, Sylvain Chomet, réalisateur, et Nicolas Pagnol, petit-fils de l’auteur, ont répondu aux questions des petits et grands. Retour sur un événement qui sent bon le Sud et la garrigue !

 

Salle comble ce vendredi soir pour l’avant-première de “Marcel et Monsieur Pagnol”. Une heure et demie de film retrace la vie de l’écrivain, dramaturge, cinéaste et producteur français. L’animé débute en 1955. Pagnol accepte d’écrire une chronique sur ses mémoires. Mais alors qu’il doute de son inspiration, la version enfant de lui-même apparaît et l’accompagne dans un voyage à travers ses souvenirs, ses rencontres marquantes et les grandes étapes de son œuvre. A la fin de la projection, petits et grands applaudissent chaleureusement. 

Le projet de Marcel et Monsieur Pagnol est né il y a neuf ans sous l’impulsion d’Ashargin Poire, Valérie Puech et Nicolas Pagnol. Le petit-fils de l’écrivain a accordé sa confiance à Sylvain Chomet, dessinateur, scénariste de bande dessinée et réalisateur de films d’animation. « Les Triplettes de Belleville, c’est un rituel familial : avec mes enfants, on le regarde au moins une fois par an. » C’est d’ailleurs pour cette raison que Nicolas Pagnol s’est tourné vers Sylvain: « J’ai tout de suite compris qu’il adorait l’œuvre de mon grand-père. »

L’écriture du projet a pris un an, puis trois autres années ont été consacrées à l’animation. Pour le petit-fils de l’écrivain, il était essentiel de voir si Chomet « savait lire Pagnol, saisir les non-dits, les silences » et ne tomberait pas dans la «  pagnolade « . « Je déteste ce mot »

 

 « Sylvain a su offrir une vision poétique et lumineuse de mon grand-père» 

 

Le film a également bénéficié du soutien du producteur Aton Soumache. « Il a eu le courage de financer un pari audacieux : un biopic d’animation» souligne Nicolas. Pour lui, la force du film réside dans la rencontre entre deux univers artistiques : « Sylvain a su offrir une vision poétique et lumineuse de mon grand-père, bien loin du cliché du vieil homme en velours côtelé vivant à l’ombre de la Provence.  (…) C’était un homme flamboyant, d’une intégrité rare, qui a traversé le XXᵉ siècle. Et c’est précisément ce que le film parvient à capter. Sylvain a réussi à montrer ses doutes, ses échecs, ses réussites, ses passions, ses défauts ; il nous le rend très humain. »

 

Le lien de Sylvain  à Marcel Pagnol remonte à l’enfance. « Je n’aimais pas lire. Et puis, un jour, j’ai découvert Pagnol. J’étais un gamin de banlieue parisienne et c’est le premier livre que j’ai lu d’une traite. » Cette connaissance de l’œuvre de Pagnol transparaît dans le dessin  : « Je ne voulais pas d’un passé sépia ou nostalgique. Ce film est très coloré, à l’image de la vitalité de Pagnol. » Un film d’animation, c’est entre dix et douze dessins par personnage et par seconde. L’équipe travaille sur tablettes, mais tout reste réalisé à la main explique le dessinateur.  « En animation, le montage précède le tournage : le film existe déjà avant la fabrication des images. »

Le style de Sylvain Chomet : à la fois singulier et intemporel. Pour Safa et Angelina, étudiantes en deuxième année à l’ECV, école d’animation d’Aix-en-Provence, Chomet possède un « univers graphique très franco-belge » aux traits marqués et à la caricature assumée. Les personnages se distinguent par une expressivité exacerbée : gestes amples, mimiques accentuées. Le dessinateur a d’ailleurs dirigé de véritables acteurs pour reproduire la gestuelle.

 

Un morceau réalisé par le rappeur SCH spécialement pour l’occasion

 

Présenté en séance spéciale au Festival de Cannes 2025, Marcel et Monsieur Pagnol marque par sa bande originale. Le rappeur SCH a réalisé un morceau spécialement pour l’occasion, qui a résonné dans la salle du Cézanne. « SCH est une passerelle entre les générations. Il prouve que la jeunesse peut encore être touchée par ses racines et par les textes classiques », souligne Nicolas Pagnol.  « Sur son lit de mort, Marcel Pagnol a demandé à Jacquotte de faire en sorte que son œuvre ne meure pas, qu’elle ne prenne pas la poussière. » C’est pourquoi le petit-fils ne cesse de faire vivre l’héritage de son grand-père à travers différents formats : une collection de bandes dessinées, ce film réalisé par Sylvain Chomet, ainsi qu’un métavers et un jeu vidéo. « Mon rôle n’est pas de dénaturer le nom de mon grand-père, mais de proposer son univers aux plus jeunes sur les médias qu’ils affectionnent » . Découvrir le métavers dédié a Pagnol pour découvrir l’un de ses livre : tel est son pari.

 

Pour prolonger la séance, l’ancienne usine électrique d’Allauch propose une exposition retraçant toute la fabrication du film, mais aussi la vie de Pagnol. Se prépare également la création d’un grand musée sur plus de 800 m². « J’espère qu’il ouvrira vraisemblablement en 2027 ou 2028 », conclut Nicolas. Un projet d’exception qui ramènera l’écrivain chez lui, sur ses terres.

 

 

Virginie Schadler