Baptiste Lefebvre, cordonnier depuis 3 ans. E.P

À 35 ans, Baptiste Lefebvre a trouvé sa voie là où il ne l’attendait pas, après des études de journalisme dans lesquelles il n’a pas réussi à s’épanouir. Il y a trois ans, il a ressenti le besoin de se reconnecter à un travail plus concret, plus manuel.

 

Clac ! Clac ! Clac ! La machine à coudre résonne au 8, rue de la Couronne. C’est à Aix-en-Provence, dans la cordonnerie Ferrandez, que Baptiste exerce aujourd’hui. Son parcours a commencé par une simple observation : dans son village d’origine, en Corrèze, aucun cordonnier n’exerçait. De ce constat est née une envie – celle de répondre à une nécessité tout en redonnant vie à un savoir-faire ancien. « À Aix-en-Provence, il y a peu de cordonniers. Tout le monde se chausse hyper bien, mais j’aimerais voir si c’est jouable de redevenir cordonnier à la campagne ». 

 

Avant de s’orienter vers la cordonnerie, Baptiste travaillait comme stagiaire en journalisme. Confronté aux difficultés du métier et à un réseau professionnel limité, il n’a pas trouvé sa place dans cette profession. « J’arrivais bien à collecter les histoires mais j’étais pas bon pour les restituer parce que j’assumais moyennement la simplification qu’on est obligé de faire, le temps qu’on a pour écrire, la place qu’on a pour parler ». C’est en se réinstallant à la campagne, où les débouchés journalistiques se faisaient encore plus rares, qu’il a décidé de changer de projet de vie. Aujourd’hui, il ambitionne d’ouvrir sa propre cordonnerie dans sa région natale. 

 

 « On répare de tout, du chausson d’escalade au talon de luxe »

 

Le métier de cordonnier n’a plus la même côte qu’avant les années 80 : il est passé de 50 000 ateliers à seulement 3 000 aujourd’hui. Il reste pourtant indispensable. Maroquinerie, remplacement de talons, réparation de sneakers :  la profession se réinvente. « On répare de tout, du chausson d’escalade au talon de luxe », sourit-il, en déposant une semelle encore tiède de colle. La cordonnerie attire de nouveau, portée par une volonté de consommer autrement. L’atelier ne désemplit pas, et Baptiste s’en réjouit : « On sent que les gens reviennent à plus de bon sens. Réparer, c’est moins cher que de racheter de la qualité, et surtout, ça dure. » Dans sa boutique, remettre en état une paire de talons aiguilles coûte environ 30 euros. Un geste à la fois économique et écologique.

 

« Financièrement, c’est intéressant d’être cordonnier »

 

Au-delà de la passion, le Corrézien reconnaît aussi la viabilité économique de son métier : « Financièrement, c’est intéressant ». L’investissement initial pour ouvrir un atelier reste raisonnable – entre 30 000 et 40 000 euros – et les outils, souvent centenaires, se conservent bien. « Les machines ne représentent pas un investissement trop lourd ». En témoigne cette machine à coudre en métal bordeaux, vieille d’un siècle. Côté revenus, un artisan indépendant peut espérer gagner entre 2 000 et 5 000 euros nets par mois, selon la taille et l’activité de son atelier. Pour les employés, le salaire débute au Smic et peut grimper jusqu’à 2 000 euros nets.

 

Mais pour Baptiste, la cordonnerie n’est pas seulement un métier : c’est une manière de perpétuer un héritage artisanal. « Le métier a su se réinventer, il ne se limite plus à réparer des chaussures en cuir ». Aller chez un cordonnier, c’est reconnaître l’existence d’un savoir-faire en s’inscrivant dans une démarche écologique. Baptiste Lefebvre incarne cette nouvelle génération d’artisans qui redonnent vie, avec conviction, à un métier longtemps délaissé. Et bientôt, peut-être, le son de la machine à coudre résonnera dans la campagne corrézienne.

 

Emma Peres