Le détatouage laser connaît un essor rapide en France. Néanmoins, l’activité ne fait pas l’objet d’une réglementation spécifique dans le code de la santé publique. Les centres pullulent, laissant parfois des non-médecins réaliser une prestation en principe réservée au corps médical. Décryptage.
Les pratiques de détatouage détruisent les pigments stockés dans le derme. Cela quel que soit le moyen utilisé (laser, produit chimique, grattage ou injection). Si les pratiques de détatouage impliquent une atteinte aux tissus cutanés, la réglementation encadrant cette activité reste reste sujette à interprétation.
L’ activité de détatouage en tant que telle ne fait pas l’objet d’une réglementation spécifique dans le code de la santé publique. Toutefois, le site internet du ministère de la Santé détaille que l’utilisation du laser pour le détatouage est un monopole médical « seuls les médecins peuvent utiliser des lasers pour le détatouage ».
L’arrêté du 6 janvier 1962 fixe en effet la liste des actes médicaux ne pouvant être pratiqués uniquement par des médecins. En 2015, lors d’une question au gouvernement, Marisol Touraine ministre de la Santé a confirmé que l’activité de détatouage relève justement de cet arrêté.
Le cas de l’épilation laser
L’arrêté de 1962 réservait la pratique de l’épilation laser aux médecins. En 2019, une décision du ministre des Solidarités a souhaité maintenir cette disposition. Mais quelques mois plus tard, le Conseil d’État annule la décision. Réserver cette pratique aux médecins violait la liberté de prestation de services prévue par le droit européen.
Le Conseil d’État a alors enjoint les autorités compétentes d’abroger, dans un délai raisonnable, les dispositions du 5° de l’article 2 de l’arrêté du 6 janvier 1962. Quatre ans de flou juridique s’écoulent avant qu’un décret ne soit adopté le 24 mai 2024. Ce dernier met fin au monopole médical sur l’épilation au laser. Les infirmières et esthéticiennes peuvent donc l’utiliser sur leurs patients conformément à la législation. Pour Guylène Nicolas, professeure de Droit Public à Aix-Marseille Université. « Certes, l’épilation n’a rien à voir avec le détatouage, mais ce texte prouve qu’il peut y avoir une évolution de l’utilisation du laser à visée non médicale ».
Certains cabinets délèguent le détatouage à des infirmières, avec un médecin en visio
Si le cas du laser pour l’épilation est enfin clos, la question reste entière s’agissant du détatouage.
Dans la plupart des cabinets, la pratique est effectuée par un médecin. Néanmoins, certaines filiales laissent la main à des infirmières. Un rendez-vous préalable est pris sur Doctolib, et une consultation par un médecin en visioconférence est obligatoire. Le centre d’esthétique utilise parfois une IA pour analyser le tatouage, son état et le nombre de séances nécessaires. Pour un petit tatouage sur le doigt, la séance est à 29 euros.
Pour Gaëtan Maziani, infirmier et président de l’association étudiante des Juristes en droit de la Santé d’Aix-Marseille, plusieurs questions se posent. Tout d’abord : le patient est-il informé convenablement par le médecin ? Ensuite : son consentement libre et éclairé est-il assuré ? Et enfin : comment le médecin peut-il encadrer les actes médicaux et surveiller le bon usage des appareils ainsi que les éventuels effets indésirables s’il n’est pas présent sur place ? Tant d’interrogations restent en suspens.
L’ arrêté du 30 janvier 1974 relatif à la réglementation concernant les lasers à usage médical prévoit bel et bien dans son article 2 que ce sont « des appareils devant être utilisés par un médecin ou sous sa responsabilité ». Guylène Nicolas, ajoute : « Beaucoup d’actes infirmiers peuvent être faits sous contrôle d’un médecin. À ma connaissance, il n’est toutefois pas prévu que ce contrôle se fasse à distance ». « Au vu de ces quelques éléments, je conclurais assez facilement que la pratique est illégale… ! » conclut la professeure de droit public.
Les infirmières prennent donc un risque en pratiquant le détatouage. Pourtant, jusqu’à présent, aucune ou très peu d’entre elles n’ont été sanctionnées. Cette tolérance de fait laisse entrevoir qu’une évolution législative pourrait un jour autoriser cette pratique aux non-médecins. Mais tant que la réglementation reste en suspens, le détatouage peine à faire disparaître son propre flou légal.
Virginie Schadler