Depuis le confinement, les pratiques sportives ont profondément changé. Le salon est devenu un terrain d’entraînement, et les vidéos en ligne, un nouveau modèle de coaching. Pour les étudiants, le sport à domicile s’impose comme une solution économique, flexible et durable, nourrie par l’essor des entraînements en ligne et des formats courts.
Pendant la pandémie, le sport a changé de lieu. Les salles fermées, les Français ont improvisé des entraînements entre quatre murs, initiant un mouvement durable vers des pratiques plus autonomes. Selon une étude de l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (INJEP, 2024), organisme public de recherche sur les pratiques sportives et culturelles, 47 % des pratiquants ont fait du sport à domicile pendant le confinement. Et même après la reprise, la tendance ne s’est pas effacée : près d’un sur cinq continue aujourd’hui de s’entraîner chez soi, un chiffre nettement supérieur à celui d’avant 2020.
Si beaucoup ont retrouvé le chemin des clubs, cette parenthèse a installé une nouvelle habitude : celle de pouvoir s’entraîner quand et comme on veut. Et pour les jeunes, souvent tiraillés entre études, petits boulots et budget restreint, cette autonomie est devenue un atout majeur.
À Aix-en-Provence, Léa Robert, 22 ans, étudiante, pratique désormais le Pilates dans le calme feutré de son salon. « Je me suis mise au home training pour une question de gain de temps d’abord, et d’économie ensuite. Les cours en salle avec un professeur sont assez coûteux, surtout en tant qu’étudiante », raconte-t-elle. Cette adaptation, née d’un contexte exceptionnel, s’est muée pour beaucoup en une routine durable.
Des outils digitaux au service de l’autonomie sportive
Ce qui distingue la pratique d’aujourd’hui de celle des débuts du confinement, c’est la qualité de l’offre numérique. L’époque des vidéos improvisées a laissé place à des plateformes spécialisées, des chaînes pédagogiques et des applications interactives. Selon une étude McKinsey sur le marché des produits sportifs (2022), 70 à 85 % des consommateurs affirment vouloir continuer à utiliser des programmes de fitness et de bien-être en ligne, ainsi que des exercices digitaux.
Le numérique a surtout permis une personnalisation inédite de la pratique. Là où la salle impose un rythme collectif, le home training offre une liberté totale : choisir son instructeur, son niveau, la durée de sa séance, et adapter son format selon ses besoins. « J’ai trouvé une instructrice en ligne qui me convient très bien. Je ne compte pas changer de mode de pratique pour l’instant », confie Léa. Cette flexibilité séduit : elle répond à la fois au besoin de constance et au refus de la contrainte.
Le succès du Pilates, du yoga ou des entraînements au poids du corps s’explique aussi par leur compatibilité logistique. Ces pratiques exigent peu de matériel, tiennent dans un petit espace et valorisent la maîtrise du geste. Pour une génération habituée à la mobilité et à l’adaptation permanente, elles incarnent une forme de cohérence entre le corps et le quotidien.
Évidemment, le sport à domicile suit une logique économique. Un abonnement en salle représente souvent entre 30 et 60 euros par mois, tandis qu’une séance de Pilates peut coûter jusqu’à 80 euros. À la maison, les étudiants trouvent leur compte grâce aux vidéos YouTube gratuites ou aux applications payantes à petit prix. L’équipement se résume à un tapis et quelques accessoires : une économie réelle, qui rend la pratique plus accessible.
Mais l’enjeu n’est pas seulement financier. Le sport domestique répond aussi à une fatigue temporelle : celle d’une génération dont chaque journée est morcelée. « Le format maison me permet de faire des séances sans contraintes. Je fais mes séances quand bon me semble, et sans me soucier de comment me rendre à un cours ou à une salle », confie l’étudiante. Le home training ne nécessite ni déplacement ni planification : on peut s’entraîner vingt minutes avant un cours ou entre deux révisions. C’est un sport à la demande, intégré au quotidien, sans que l’on doive lui consacrer un créneau fixe.
Vers une géographie élargie du sport
Ce réalisme ne traduit pas un désengagement, mais une évolution des usages. Selon le rapport EuropeActive / Deloitte 2023, 65 % des pratiquants s’entraînent aujourd’hui à domicile, 52 % en extérieur et 42 % en club de fitness. Ces chiffres, en hausse simultanée, montrent que la pratique ne s’est pas déplacée d’un lieu à un autre : elle s’est multipliée. Le home training ne remplace pas la salle, il s’intègre dans un modèle hybride, où chacun compose librement son propre équilibre.
Reste un enjeu central : celui de la qualité du geste et du suivi. Sans encadrement direct, le risque d’erreur technique ou de décrochage existe. C’est là que le numérique tente d’innover : programmes adaptatifs, corrections visuelles, capteurs de mouvement, suivi des progrès. L’industrie du home fitness s’appuie sur ces outils pour renforcer la précision du coaching ; elle représente aujourd’hui un marché de près de 13 milliards de dollars dans le monde, en croissance annuelle de 5 à 6 % (Grand View Research, 2023).
Né du confinement, le home training échappe à la qualification d’effet de mode : il déplace la pratique sans en trahir l’esprit, ouvrant une nouvelle ère où l’écran devient un partenaire d’effort et le foyer, un espace d’entraînement à part entière. Un changement discret mais réel, à l’image d’une génération qui compose avec le temps, les moyens et le réel.
Elina Ghez