Alors que beaucoup d’actifs préfèrent se prélasser sur un canapé ou les terrasses des bars, de drôles d’oiseaux choisissent de courir dans la pénombre.
Il est presque 19 heures, près du parc de la Torse et c’est peu dire que seuls les plus courageux osent venir braver le froid. Mais alors que le crépuscule finit par disparaître, on entrevoit arriver des sportifs un peu particuliers. Armés de lampes frontales et de survêtements fluorescents, les membres du Speedy club d’Aix en Provence, défient l’obscurité. Ils s’entrainent depuis 20 ans maintenant. Tous se pressent pour arriver à l’heure à l’échauffement et on remarque vite que la plupart de ces joggeurs affichent le même profil : des quarantenaires qui, après leur journée de dur labeur, viennent immédiatement courir avec les membres de ce club pas comme les autres.
Cette fois la nuit est bel et bien tombée. Il est temps de démarrer l’entraînement pour ces passionnés de running. Les voilà donc partis à toute allure sur les sentiers escarpés de la promenade, bien moins accueillante dans l’obscurité. Au fur et à mesure de l’excursion une question se pose: mais pourquoi diable, aller s’aventurer à dévaler des chemins dans ces conditions ? Il y a autant de coureurs, que de raisons de courir. Pour Nicolas, ingénieur dans le secteur du nucléaire, au club depuis un an, ces escapades nocturnes sont une échappatoire : «une fois que j’enfile ma tenue de sport j’ai l’impression de rompre avec ma journée de travail» affirme-t-il légèrement essoufflé par la première côte.
«Si je courrais seule il me semblerait faire beaucoup plus froid»
On ne voit désormais plus que des points lumineux se mouvant selon les consignes de entrainement. On distingue alors une silhouette qui semble prendre l’entraînement très au sérieux. Ibtissem est à l’avant du peloton, aux côtés des coaches et des coureurs les plus aguerris. De son aveu, la jeune chargée de communication n’était pourtant pas prédestinée à devenir une «runneuse» assidue. «J’ai commencé à courir pour arrêter la cigarette, et me voilà à une semaine de mon premier semi-marathon. J’ai trouvé une nouvelle addiction» affirme-t-elle fièrement. Plus qu’un nouveau départ pour sa santé, la trentenaire a rencontré au sein de cette meute d’infatigables une véritable famille : «le côté bande de potes est extrêmement motivant, à coup sur, si je courrais seule, il me semblerait faire beaucoup plus froid.»
On aurait pu croire que les valeureux sportifs se fatigueraient rapidement, rattrapés par leur dure journée. Il n’en est rien. L’emblématique président René est formel, jongler entre sport et travail n’est qu’une question de volonté. Désormais retraité, le vigoureux sexagénaire tient étonnamment bien la conversation malgré le rythme très soutenu imposé par le groupe. «Pendant mes 35 années en tant qu’aiguilleur du ciel, je n’ai jamais manqué un seul entrainement.» Son épouse, qui court quelques mètres derrière a tout entendu et prend le soin de nuancer cette version des faits.
Enfin, on entrevoit à nouveau les lumières de la ville, les visages sont plus marqués qu’au départ, mais les sourires, eux, sont restés. «Je repartirais bien pour un tour !» lance René, sous le regard désapprobateur de certains de ses compagnons. On aurait presque envie de le croire tant rien ne semble pouvoir arrêter ces infatigables noctambules. Lorsqu’ils sont réunis, les éléments peuvent bien se déchaîner, ils continuent à foncer. Avec ou sans lumière.
Yassine Aït El Djoudi