Les passionnés de Grèce antique peuvent désormais allier sport et culture historique au sein d’une seule activité : le pentathlon grec antique. L’université d’Aix-Marseille propose une séance hebdomadaire au stade Robert Ruocco d’Aix-en-Provence. Maurin Ostenga-Gaïero, l’un des entraîneurs, accueille quelques étudiants sur le terrain de football en plein soleil. Cette épreuve mythique des Jeux Olympiques originels a été créée au VIIIe siècle pour honorer les Dieux, et les athlètes participant à cette laborieuse discipline représentaient chacun leur cité. Au programme : cinq épreuves dont trois lancers, disque, javelot, alma (lancer « de soi-même »), la course (192m) ainsi que la lutte.

Maurin commence par lancer une série d’échauffements (tours de terrain, gammes, accélérations, échauffement des articulations) ponctuée de plaisanteries. Il explique aux sportifs l’épreuve de la course, qui se pratique en faisant un demi-tour autour d’un poteau : attention cependant, car celui qui touche le poteau est éliminé. Tous les moyens sont bons pour gagner, Maurin conseille donc de « pousser ses adversaires » afin de les gêner le plus possible. Jérémy, un étudiant venu suivre la séance, se prend un coup de coude dans le ventre au départ d’une course. Il garde le sourire et continue à participer aux exercices malgré sa respiration coupée. 

L’entraîneur fait également partie de l’association des Somatophylaques, au sein de laquelle quelques passionnés présentent au grand public la vie en Grèce Antique, sous forme de reconstitutions et de petits ateliers. Les membres de l’association étudient donc les sources et les documents dont ils disposent pour comprendre les gestes de combat en art martial, position par position. « On a ensuite transvasé le contexte de combat en sport, afin de le rendre praticable aujourd’hui », détaille Maurin.

Pour pratiquer ce sport dans des conditions assez proches de celles de l’époque, les chercheurs ont dû reconstituer le fil de l’histoire antique à l’aide d’images historiques. Maurin estime que l’art grec est « plutôt réaliste, c’est un type d’art dans lequel on peut avoir confiance ». Au moment d’une pause pour se rafraîchir, Jérémy et Maurin échangent avec intérêt sur la lutte dite « orthépale ». C’est l’un des plus vieux arts martiaux et il se déroulait de façon très violente : front contre front, le premier à poser un appui au sol était disqualifié. « On peut casser le doigt de son adversaire, ou même lui disloquer un membre » explique Jérémy, « cependant on ne pénètre pas (les yeux, le nez…) et on n’arrache pas les cheveux ». Pendant les Jeux Olympiques, l’honneur du citoyen devait passer avant la douleur : le sportif qui préférait mourir pour honorer à sa cité avait droit à une statue à son effigie.

Soyez rassurés, au cours de pentathlon de Maurin, la bonne humeur et la détente priment sur la violence et l’idée de dépassement de soi. La séance intéresse particulièrement Camille et Titouan, deux étudiants en L3 d’histoire à la faculté d’Aix-en-Provence. Titouan considère cette séance comme « le mélange parfait », lui qui « adore l’histoire mais aussi l’athlétisme, et plus précisément le sprint ». Les étudiants essoufflés par l’effort discutent entre deux exercices, se posant les uns les autres de nombreuses questions sur la Grèce antique : les deux passionnés interrogent longuement leur entraîneur sur l’association dont il fait partie. A la fin de la séance, ils découvrent avec hilarité qu’ils se sont tous attribué un prénom grec, et ils en expliquent l’origine (Maurin arbore celui de « Zénon »). On remarque facilement qu’ils partagent la même volonté de transmettre leurs connaissances, mais aussi d’en apprendre plus à travers une pratique leur permettant de se dépenser tout en voyageant au plus près de l’époque qui les passionne. 

L’université d’Aix-Marseille propose ce cours de pentathlon antique depuis deux ans, et une compétition a été organisée avec un club de Chambéry en 2023. Maurin initie également certains étudiants à un cours de lance grecque, qui se déroule juste après celui de pentathlon. La discipline fait parler d’elle dans les universités et se démocratise, notamment grâce aux prestations des associations comme celle des Somatophylaques.

Clara LE GRAND