Longtemps interdit en France, le MMA ou Mixed Martial Art a finalement été légalisé en 2020. Cette discipline, qui combine la boxe, le jiu-jitsu, la lutte ou encore le kick-boxing, impose une maîtrise complète du combat debout comme au sol. Depuis, les compétitions se multiplient et les clubs ne désemplissent pas. L’arrivée de l’Ultimate Fighting Championship (UFC) à Paris en 2022 a définitivement consacré la popularité de ce sport autrefois marginal, désormais perçu comme une véritable école de rigueur et de dépassement de soi.
Au cœur de Marseille, dans le quartier de la Capelette, Jean-Michel Foissard, 56 ans, ancien aide-opératoire en chirurgie cardiaque, dirige aujourd’hui le Marseille Fight Club. À travers son club, il défend une vision claire : le combat n’est pas affaire de coups donnés au hasard, mais de stratégie, de technique et de respect. « Les gens pensent que c’est de la bagarre avec deux être humains décérébrés, avides de sang, mais non c’est du sport, c’est codifié, il y a des règles. Nous, on se bat pas, on combat ».
Derrière la porte du Marseille Fight Club, l’ambiance tranche avec les clichés. Après un escalier abrupt, on découvre une salle de musculation, puis une pièce plus reculée où trône la cage dépliée. Les murs colorés portent l’inscription « Rangez les armes, ouvrez vos cœurs », et un immense gorille noir et blanc, symbole du club, veille depuis ses tentures. Quand les premiers cours démarrent, le silence des lieux laisse place aux frappes sèches sur les punching-balls, aux consignes du coach, et aux voix des enfants qui répètent les exercices.
Une pratique exigeante
Si Jean-Michel encadre aujourd’hui des pratiquants de tous âges, il connaît surtout la rudesse de la voie professionnelle. Car derrière la médiatisation croissante, rares sont ceux qui vivent vraiment du MMA. La vie d’un combattant exige des sacrifices quotidiens : surveiller son poids, répéter les entraînements, accepter une existence presque monacale. « Peu de personnes sont bien rémunérées donc ça demande beaucoup de sacrifices pour arriver au haut niveau ». Un combattant professionnel dispute en moyenne entre trois et cinq combats par an, selon son état de forme et les opportunités offertes par les organisations. Le niveau progresse sans cesse, forçant les meilleurs à travailler toujours plus dur pour rester au sommet.
Parmi les figures du club, Souhil Taïri, 33 ans, incarne l’exigence à l’état pur. Combattant professionnel en Professional Fighters League (PFL), il se distingue par un parcours atypique : docteur en mathématiques et professeur en recherche, il a progressivement associé rigueur scientifique et précision sportive. Grand, au visage taillé par l’effort, barbe soigneusement entretenue et regard concentré derrière des lunettes transparentes, Souhil dégage une sérénité calme, presque professorale. Une image contraste avec la puissance qu’il exprime dans la cage. Sa double vie casse les stéréotypes et révèle la diversité de ceux qui s’engagent dans cette discipline.
« Le sport donne un cadre de vie… »
L’entraînement, lui, ne laisse rien au hasard : échauffement cardio-articulaire, exercices techniques millimétrés, sparrings thématiques… Chaque détail compte. Et quand vient le moment d’entrer dans la cage, l’approche varie : « Certains ont besoin d’être motivés, d’autres d’être rassurés », explique Jean-Michel. La sécurité, elle, reste non négociable : gants spécifiques, interdiction des coups de coude ou de genou, protège-tibias obligatoires pour les amateurs. Autant de règles mises en place par la Fédération française de MMA pour limiter les risques et encadrer la pratique.
Mais au-delà des combats, il insiste sur ce que le club apporte aux plus jeunes : « Le sport donne un cadre de vie… ici, on leur apprend le respect et la rigueur ». Car pour beaucoup d’enfants et d’adolescents, le MMA n’est pas seulement un exutoire physique : c’est un lieu où l’on apprend la discipline, la persévérance et l’attention à l’autre.
Dans ce lieu de la Capelette, le MMA n’est pas uniquement une démonstration de force : c’est une école de persévérance et de discipline, où l’adversaire est aussi un partenaire, digne de considération.
Bettina Jouan