
Être agent territorial spécialisé des écoles maternelles ou plus communément appelé « Atsem », c’est accepter d’accompagner les enfants dans chacun de leurs moments tout au long de la journée en établissant un contact doux et privilégié, mais ferme, avec eux. C’est ce métier que Caroline Laugero, 47 ans, a décidé d’exercer depuis dix-huit ans maintenant au sein de l’école maternelle Ferry à Aix-en-Provence.
7h30 s’affiche sur l’horloge de la garderie. Caroline commence à ouvrir les portes de la maternelle. Les premiers enfants arrivent, à moitié endormis, accrochés au bras de leurs parents. Roméo, 3 ans, est inconsolable et refuse de se détacher de sa maman. « Le rôle de l’Atsem commence à ce moment-là. Une fois qu’ils nous voient, ils se sentent rassurés. On voit les larmes se calmer et parfois, on entend nos prénoms avec leur petite voix ».
La matinée s’enchaîne sans véritable pause : transmissions des informations importantes des parents, accueil des enfants dans la classe, préparation des jeux, installations des ateliers, vérification de la propreté des enfants… À 9 heures, tout doit être prêt.
Pendant que la maîtresse étudie le langage ou les chiffres avec seulement un petit groupe d’enfants, Caroline dirige un atelier artistique. « On doit leur transmettre des compétences comme la créativité, la curiosité ou la persévérance. Et même si de l’extérieur, on pourrait penser qu’on fait les mêmes choses en boucles, c’est un métier où chaque journée est différente ».
Lorsque vient la récréation, elle incarne deux rôles principaux : « Sois, je deviens dame pipi, soit, si c’est le jour de surveillance de ma maîtresse, je vérifie si le lit du dortoir est prêt, si les productions sont rangées et le matériel propre ».
Arrives alors le moment compliqué de la cantine, les enfants ont faim et pour ce qui est des petites sections, dont Caroline s’occupe, la fatigue se fait sentir. Alors dans ces moments-là, il n’est pas rare de voir voler des bouts de pain, de sentir le sol collant à cause des légumes écrasés ou d’entendre « je peux avoir de l’eau » très souvent.
« On se pose rarement deux minutes ». Le moment de la sieste des tout petits sonne l’heure de cette pause avec le relais de la maîtresse pour une durée de 30 minutes.
« Certains jours sont épuisants, car il se passe beaucoup de choses : enfants indisciplinés, accidents en tout genre… Et d’autres passent très vite, sans qu’on s’en aperçoive ».
Les joies du quotidien
Les enfants se tournent davantage vers les Atsem que vers les enseignants. « On est là pour faire les câlins, pour les réconforter, pour les accompagner dans les moments intimes ». Lorsqu’on lui demande quelle qualité est essentielle dans ce métier, ses yeux s’écarquillent : le mot « patience » s’impose. « Pour supporter le bruit constant de la journée, et aussi pour réussir à accompagner, chaque jour, une vingtaine d’enfants dans leurs apprentissages de vie ».
Caroline souligne que la charge mentale reste lourde : « La maîtresse est présente six heures par jour, nous neuf heures trente, avec à peine une demi-heure de pause. » Pourtant, ce qu’elle retient avant tout, ce sont les moments de gratitude. « Ce que je trouve super, c’est quand les parents viennent me dire : « C’est génial ce que vous faites, notre enfant était super content. » C’est gratifiant ». Les fêtes de fin d’année et la kermesse sont pour elle des moments particulièrement marquants : « On se déguise, on essaie de faire passer des moments de joie et de qualité. Les parents voient vraiment qu’on est investis ».
Combattre les défis et les idées reçues
Parmi ses souvenirs, Caroline évoque un élève difficile, arrivé en petite section. « Il n’écoutait personne, ni la maîtresse ni la directrice. Il ne faisait confiance qu’à moi. Je l’ai accompagné comme j’ai pu. Aujourd’hui, il est en élémentaire et il va mieux ».
Le métier supporte pourtant de nombreux clichés : « Ce sont les tatas qui font la garderie », entend-on parfois. Beaucoup pensent que la maternelle se résume à « de la peinture et du dessin ». Elle regrette ce manque de considération. « Je ne pense pas que tous les parents soient pleinement conscients de la charge de travail. Certains disent même à leur enfant, en partant, “Amuse-toi bien !” ».
Indispensables au bon fonctionnement de l’école maternelle, les Atsem sont des piliers discrets. En guidant les enfants, en soutenant les maîtresses et en gérant seules de multiples tâches, elles constituent une véritable structure au quotidien dans les classes et dans l’épanouissement des tout-petits.
Ce jour-là, Caroline finit à 16h50. Après avoir contrôlé et ouvert les goûters, listé les enfants, elle se dirige à pas pressés vers la porte de sortie en lançant un « au-revoir » général. Les enfants, eux, courent toujours derrière elle pour lui dire au revoir jusqu’à ne plus la voir. Ils le savent déjà, ils la retrouveront dès le lendemain. Il sera 7h30 sur l’horloge de la garderie.
Bettina Jouan