Cela a été un choix, ou plutôt une nécessité. En 2011, Pierre, forain sur le marché du Cours Julien à Marseille, se tourne vers l’agriculture biologique. Un déclic pour l’homme de 45 ans, qui baigne dans l’agriculture depuis toujours. « J’ai repris la succession de mon père, qui, lui aussi, a marché sur les traces familiales » relate-t-il en montrant sur son téléphone portable une photo jaunie de ses parents devant un étal de fruits et légumes. Ce matin, sur le marché, il semble dérangé dans son travail par nos questions, mais il parait enchanté à l’idée de se livrer sur sa « petite vie d’agriculteur qui n’intéresse d’habitude personne ».
Il se confie sur sa prise de conscience. A la suite d’un reportage sur les pesticides et les engrais, néfastes pour notre environnement, il change tout. Aussi bien sa façon de penser que sa façon de travailler. Le forain incite sa famille à rejoindre ce nouveau mode de vie : « tout ces changements ont été faits en très peu de temps ». Aujourd’hui, il se sent en harmonie avec lui même. La famille entière s’est convertie. Ils cultivent, mangent et vendent bio. « Mon étal est entièrement biologique et c’est ma plus grande fierté. Plus aucun polluant ne vient troubler la croissance de mes produits. » Il a tout misé sur la décomposition naturelle, le compostage, il travaille, surtout, moins la terre pour ne pas l’exposer à l’air et donc pour que le carbone rejeté soit moindre.
L’engagement d’un consciencieux
Ses mains calleuses reflètent son travail acharné, celui de la terre. Car si ce mercredi matin il vend des fruits et des légumes sur le marché, l’après-midi Pierre s’occupe de ses champs. Il passe le plus clair de son temps courbé. Son visage est ridé, il fait plus vieux que son âge. Il avoue travailler plus de dix heures par jour pour subvenir aux besoins de sa famille. Lorsque l’on demande à Pierre si le bio n’est pas purement un argument commercial, on sent que son regard change, il semble blessé. Infailliblement, il répond qu’il vaut mieux des gens comme lui, pour sauver la terre « vu ce que les Hommes lui ont fait subir ». Pierre est engagé dans la cause écologique, et se bat contre l’agriculture industrielle. Ravi de l’actualité du moment, de l’engagement des jeunes dans cette cause, il lance : « c’est notre terre, nous y vivons, nous devons en prendre soin ». L’homme de 45 ans a deux filles. Son plus grand rêve ? Qu’elles reprennent les terres familiales. Il désire réellement leur transmettre sa passion transmise par son père, René. « C’est plus qu’un métier pour moi, c’est une façon de vivre. C’est l’un des plus vieux métiers du monde, et c’est le plus beau ». L’entretien est coupé par l’affluence de clients. Un défilé constant qui montre que le bio plait de plus en plus, et que les consommateurs apprécient le travail de Pierre. L’homme a arrête l’école à 12 ans, et depuis il ne cesse de donner tout son être pour ses clients, « qui le connaissent et reviennent toutes les semaines ».
Manon Ufarte