©Magistère DJC

En plein cœur d’Aix-en-Provence, Mickaël Féval propose une cuisine élégante, généreuse et majoritairement axée sur la mer. À l’image du caractère chaleureux de ses propriétaires, le restaurant accueille ses clients dans un cadre convivial. Étoilé au Guide Michelin depuis 2017, l’établissement retrace dans l’assiette, l’histoire du chef. Un parcours nourri de passages successifs dans de grandes maisons étoilées, mais aussi de défis de taille relevés par ce Picard natal, qui n’a jamais cessé de cuisiner ses souvenirs d’enfance.

À deux pas du Cours Mirabeau, dans une ruelle calme et hors du temps, la façade du restaurant Mickaël Féval se distingue grâce à de nombreuses plaques accrochées sur sa devanture. Autour de l’étoile rouge pétillante du Michelin, l’appartenance au Collège Culinaire de France, au label des Maître Restaurateurs ou au guide sélectif du Gault&Millau, sont gage de qualité. Au-dessus de ces appellations, le nom de Mickaël Féval prône fièrement sur la rue. En entrant, les tables élégamment dressées côtoient plusieurs tableaux.  Une grande verrière éclaire le centre de la salle, sous laquelle une fresque longue de près de deux mètres représente une mer brillante et reposante. Une belle référence à la spécialité du chef, les produits marins. Dans l’assiette, cette influence se fait sentir. À la carte, le menu « tout poisson » propose une daurade royale, laquée, autour de laquelle est disposée une déclinaison de carottes et de citron caviar, mais aussi le maigre, sublimé d’un chou rave rôti, amandes, pavot, noisettes et cassis. Autour de ce sucré-salé percutant, un espuma à l’ail noir ajoute une touche d’originalité au plat.

©Magistère DJC

Dans ce restaurant, l’importance des produits marins n’est pas anodine. Au piano, Mickaël Féval est un spécialiste. Avant de rejoindre la Provence en 2013, son restaurant parisien « Antoine » ne proposait que du poisson. Cette aventure, devenue référence, est née d’une collaboration entre Antoine Vigneron et le chef. Face au défi du 100 % poisson, ce dernier a du redoubler de créativité. « Je me suis vite aperçu que le fait de cuisiner du bar, du turbot ou du rouget n’allait pas suffire. J’ai donc décidé de chercher le plus de variétés possibles. Des coquillages aux crustacés, je suis parti explorer les mers au contact des pêcheurs ». Cette découverte de l’univers marin a remis en question sa manière de construire ses menus. « La carte d’Antoine était construite par la mer, par les pêcheurs et les arrivages. C’est un procédé essentiel si vous ne voulez proposer que du magnifique, d’autant que le poisson ne mature pas. Quand on reçoit les produits, il faut les cuisiner presque instantanément ». Cette expérience passionnante, auréolée d’une étoile Michelin, a apporté au chef une étiquette de spécialiste des produits de la mer. Pour compléter sa spécialisation, il est l’auteur d’un livre intitulé Pêche en Norvège.

©Magistère DJC

De la Picardie à la Provence, un parcours semé d’étoiles

Né en Picardie, ce destin n’était pourtant pas écrit pour le chef. L’ambiance familiale  et l’importance accordée aux beaux produits lui ont vite donné envie de travailler derrière les fourneaux. « Mon père était chasseur. Nous avions un grand potager et des poules. Ma mère adorait cuisiner ! À la maison, il y avait toujours un plat qui mijotait, dégageant des parfums et des odeurs qui me restent encore en mémoire ». Mais au-delà du produit, c’est la convivialité et le sentiment de partage inhérents à la table qui ont poussé le chef dans cette voie. « Quand quelqu’un passait à l’improviste, mes parents l’invitaient à notre table », se rappelle Mickaël Féval avec émotion. Poussé par ces moments d’échange et de partage, il intègre un lycée hôtelier dans le Val de Marne. Au-delà des techniques assimilées, la transmission de son professeur Christian Gilon l’a profondément marqué. « Quand on avait fini le service, on restait dans les cuisines pour échanger sur la journée qui venait de s’achever. Un moment important qui permettait de fédérer un groupe et de créer une énergie positive ». 

Convaincu par sa formation, Mickaël Féval débute ses expériences professionnelles au Méridien, à Paris. Dans cette immense structure de 800 salariés, le plongeon dans le grand bain est vertigineux. « Je me perdais dans les vestiaires », se rappelle le chef avec amusement. Après une année de service militaire à La Réunion, dans les cuisines de l’État Major, il retrouve cette chaude ambiance parisienne au Prince de Galles, avenue Georges V, puis au Plaza Athénée, aux côtés d’Éric Briffard. Face à ce travail acharné, où la pression se ressent quotidiennement, Mickaël Féval retourne en province, à Saulieu. En Bourgogne, il retrouve une ambiance familiale et chaleureuse. « Le chef Bernard Loiseau est un grand Monsieur, très généreux, sympathique, dynamique et plein d’énergie. Il m’a apporté bien plus que la cuisine. On échangeait sur la bourse, la gestion d’une entreprise ou encore l’éclosion des plats préparés. En somme, je commençais déjà à réfléchir au comportement d’un chef ». À 23 ans, Mickaël Féval découvre le fonctionnement d’une entreprise, et ses difficultés. « Un soir, il y avait d’énormes tempêtes de neige partout en France. Les réservations sont descendues à 20 couverts. Nous étions contents, ça nous faisait un peu moins de travail. Mais le chef est arrivé et nous a expliqué que cette baisse entraînait pour lui des pertes importantes ». 

À l’issue de cette expérience marquante, Mickaël Féval se dirige vers Cannes, au Majestic. Dans les cuisines de l’emblématique Bruno Oger, il découvre la palette gustative méditerranéenne. Au bout d’une saison en Provence, il retourne dans une maison familiale, chez Antoine Westermann au Buerehiesel à Strasbourg, alors 3 étoiles Michelin. Munsters, baeckeoffe ou encore vins « magnifiques », une découverte enrichissante de la richesse culinaire du terroir alsacien pour le chef.

Après cette succession de grandes maisons, il devient pour la première fois chef au sens propre du terme, au Cap Seguin à Boulogne Billancourt. Pendant 4 années, il est également directeur associé de l’établissement, et s’intéresse pleinement au fonctionnement de l’entreprise. Cette grande structure de plus de 400 couverts le prive d’un aspect « gastronomique ». Frustré par ce manque, il intègre Antoine, son restaurant 100 % poisson, en tant que chef. 

De cette ultime aventure naîtra son identité culinaire. Porté sur la mer, Mickaël Féval met autant l’accent sur la qualité de son assiette que sur le respect des produits et des fournisseurs. Aux côtés de son épouse Olivia, l’ouverture du restaurant « Mickaël Féval » à Aix-en-Provence en 2015 apparaît comme l’aboutissement d’un projet de vie. Pour continuer à développer sa structure, le couple organise régulièrement des événements aux côtés de vignobles de la région. En mer comme dans le verre, Mickaël Féval est désormais un provençal de cœur.

Arthur Jégou