“Dans bien des cas, l’espace numérique est une zone de non-droit”, clamait au journal Le Monde le commissaire européen au marché intérieur, Thierry Breton. Le Digital Services Act fête demain, vendredi 27 octobre, son premier anniversaire depuis sa publication au journal officiel de l’Union européenne. Malgré la nouvelle législation, deux mois après son entrée en vigueur le 25 août dernier, les réseaux sociaux sont toujours la vitrine de vidéos sanglantes et de fausses informations, surtout avec le contexte géopolitique inflammable.
Leur présence, juste quelques heures en ligne, suffit à abîmer la vérité, à choquer, à marquer à vie ceux qui y sont exposés. Loin d’être un épiphénomène, la prolifération de contenus violents ou faux sur Internet a été pris à bras le corps par l’Union européenne (UE) à travers un texte : le Digital Services Act (DSA). Le nouveau règlement européen impose aux plateformes une transparence accrue sur leurs algorithmes, mais surtout de bloquer ou de retirer plus rapidement les contenus illicites. En cas de manquement, l’amende est salée : 6% du chiffre d’affaires sur l’année.
Premières tentatives de régulation
Premier résultat, le dimanche 15 octobre : la plateforme TikTok annonce sur son blog la suppression “de 500 000 vidéos et [la fermeture de] 8 000 livestreams dans la région touchée, pour violation de nos règles”, juste après avoir reçu un avertissement de Bruxelles lui ordonnant d’appliquer les nouvelles obligations. Dans un communiqué daté du 13 octobre, Meta estime à 795 000 le nombre de contenus “en hébreu ou en arabe” retirés.
Toujours dans la ligne de mire de la commission européenne : X (anciennement Twitter). Le milliardaire à la tête du site, Elon Musk, a reçu une injonction le 11 octobre par l’artisan et porte-voix du DSA, Thierry Breton lui-même : “À la suite des attaques terroristes du Hamas contre Israël, nous disposons d’indications selon lesquelles X/Twitter est utilisé pour diffuser des contenus illégaux et de la désinformation dans l’UE“. Le commissaire lui demande de réagir vite et de supprimer les publications “fausses et glorifiant la violence”. De son côté, le patron de SpaceX a soutenu que sa politique de modération “ est accessible et transparente ”, répliquant au commissaire européen d’ ”énumérer les violations auxquelles [il fait] allusion sur le site X, afin que le public puisse les voir.”
Premiers ratés
Pour autant, de très nombreux exemples pullulent sur X. À l’image de cette publication de l’AfpFactuel, une branche de l’Agence France Presse (AFP) dédiée aux campagnes de désinformation sur internet. “Le Hamas a partagé par erreur une vidéo, qui est maintenant supprimée, d’une poupée qui a été comptée parmi les bébés tués par l’attaque du Tsahal” estime l’utilisateur CasuffitZ qui croit à une mise en scène du Hamas. Une information démentie par le photojournaliste de l’agence présent sur place.
Autre illustration, le samedi 30 septembre, les deepfakes ont fait irruption dans les élections législatives slovaques. Un enregistrement mêlait les voix de Michal Simecka, leader du parti Slovaquie progressiste (PS), et Monika Tódová, du quotidien Denník N. L’échange, qui s’est révélé être un faux, généré par l’intelligence artificielle, portait sur les moyens de truquer le scrutin, 48 heures avant l’ouverture des bureaux de votes. La campagne de désinformation ayant eu lieu sur Whatsapp, la plateforme n’est pas soumise aux réglementations du DSA. Elles ne s’appliquent qu’aux structures de plus de 45 millions d’usagers. L’enregistrement n’est retiré qu’au bout de quelques heures. Trop tard. Des milliers d’usagers l’ont déjà partagé. Et c’est l’ancien premier ministre Robert Fico, à la tête du parti national-populiste Smer et rival du PS, qui remporte l’élection avec 23% des voix.
Victor Giat