© Magistère DJC
Jeudi 5 octobre, les Français découvrent dans l’émission phare de la chaîne France 2, « Complément d’enquête », qu’une députée de la France Insoumise (LFI), Sophia Chikirou, aurait surfacturé des prestations lors de la campagne présidentielle de Jean-Luc Mélenchon en 2017. La production de l’émission n’a pas eu de mal à trouver des témoignages anonymes au sein même de son parti, où elle ne fait pas l’unanimité.
Sophia Chikirou, personnalité influente au sein de son parti, appréciée par certains, secrètement haïe par d’autres, députée depuis peu, est dans le collimateur de la justice. Dans un premier temps dans l’enquête qui vise la clarification des comptes de campagne de La France Insoumise. Ensuite pour l’enquête qui cible l’élue pour escroquerie avec la surfacturation des services de son agence de communication (Mediascop) à LFI lors de la campagne de 2017.
Sophia Chikirou : menacée d’une mise en examen :
Rien qu’avec la présidentielle, sa société Mediascop a perçu la somme de 1 161 000 euros. Ce qui fait jaser l’opposition réside dans le fait que “Complément d’enquête” a passé en revue les comptes de la société. Elle avait par exemple facturé 250 € hors taxes le simple fait de publier chacun des dix-neuf discours de campagne sur une plateforme audio. 250 euros par publication ! Le taux de rentabilité de la société était de 22 % en 2017. Sophia Chikirou, présidente et unique actionnaire de Mediascop, aurait touché 136 000 € pour dix mois de campagne, d’après le rapport des experts judiciaires. Ses collaborateurs étaient payés, eux, au SMIC. Loin des valeurs prônées par La France Insoumise.
Par ailleurs, un ex-employé de Sophia Chikirou a communiqué à « Complément d’enquête » son désarroi quant aux malversations financières dont elle aurait pu faire preuve : « Sophia me disait qu’il n’y avait pas d’argent […]. On a accepté de faire des sacrifices en termes de niveau de vie, en termes de santé… pour se rendre compte derrière, qu’en réalité, on avait [permis] à Sophia Chikirou de s’enrichir. »
Le management de la Web TV collaborative qu’elle a créée (appelée Le Média) choque bien plus que les accusations de surfacturation ou d’escroquerie. En effet, La Dépêche du Midi a relevé des témoignages, diffusés dans l’émission, d’anciens journalistes qui déplorent des « journées de 14 heures et des semaines à rallonge », des « cris dans son bureau, des malaises, des pleurs » et un « management toxique ». Complément d’enquête décrit également des insultes profanées contre ses employés. L’élue aurait tenu des propos de nature injurieuse et à connotation homophobe.
Ce qu’il faut retenir de ce numéro de « Complément d’enquête » ne réside pas tant dans les révélations quant aux accusations d’escroquerie mais bel et bien dans le caractère et les « méthodes brutales de l’élue » commente Le Parisien.
Des voix vont-elles réussir à s’élever au sein du parti de Jean-Luc Mélenchon ? Pas sûr, puisqu’au lendemain de ces révélations, Manuel Bompard affirmait sur « Public Sénat » que, selon lui, « il n’y a eu aucune surfacturation de campagne ». Le coordinateur de la France insoumise dénonçait également « une volonté de nuire » et une « forme de sexisme » dans ces accusations.
Pour l’ancien trésorier et secrétaire général de l’Union nationale des étudiants français (UNEF), Bilal Chorfi, le problème « c’est le silence des militants. Beaucoup ont peur d’être ‘’excommuniés’’, certains se taisent par carriérisme, d’autres se taisent par peur d’être délétères, vis-à-vis de la cause ». Concernant l’affaire Chikirou, ce qui lui est reproché n’est pas nouveau : « elle est connue pour être dure, avec un management rigide ».
Pour Bilal Chorfi, les révélations concernant les salaires n’ont rien d’exceptionnel : « Qui n’est pas payé au lance-pierre aujourd’hui ? Les révélations ne m’ont pas choqué plus que ça. Je pense que cette enquête ne mènera nulle part. C’est une femme passionnée et qui se donne corps et âme dans ce qu’elle fait ». Pour l’ex-cadre de l’UNEF, il faut quand même dénoncer « un manque de réaction au sein du parti ».
Aucune conclusion ne peut être tirée tant que l’enquête n’a pas abouti. Dans l’attente, les cadres de la France Insoumise continuent de faire bloc autour de leur députée.
Vincent Giely