Omniprésent dans les médias, polars et séries télévisées, le fait divers suscite dégoût et fascination. Mais d’où vient cette curiosité morbide qui habite Monsieur et Madame Tout-le-Monde ?
A demi-calciné dans les bois, le corps d’une jeune femme est retrouvé. Il ne s’agit pas d’un épisode d’Esprit Criminel, mais du meurtre d’Alexia Daval, tuée par strangulation à Esmoulins (Haute-Saône) en octobre dernier. A chaque rebondissement, des dizaines d’articles bourgeonnent sur la toile et les internautes s’affolent dans l’espace commentaire. Trois mois plus tard, le mari, Jonathann Daval, avoue être à l’origine du meurtre.
« Les faits divers passionnent parce qu’ils suscitent une implication émotionnelle forte » estime Séverine Pardini, chroniqueuse judiciaire pour le journal La Provence depuis dix ans. « La violence fait partie de tous les êtres humains. Avec les faits divers, on la retrouve sans en être acteur, ce qui est bien pratique. »
Sur le site du quotidien, l’onglet Faits Divers triomphe, sis entre les catégories Région et OM. « A la Provence, on a toujours traité les faits divers. Avec la politique, c’est là où on a le plus de commentaires sur les réseaux sociaux et le site » rappelle la journaliste.
Une culture du cliché
Une forme d’appropriation, que Gégory Lo Monaco, maître de conférences HDR en psychologie sociale confirme : « A Cuges-les-Pins, deux personnes ont été retrouvées mortes. Sur les réseaux sociaux, on a tout de suite attribué ça aux règlements de compte. Derrière, il y a une représentation de la délinquance dans les cités ». D’après le psychologue, les faits divers permettent d’entretenir les stéréotypes. « L’humain va filtrer les informations. Il va garder ce qui entre en résonance avec ce qu’il a connu et laisser passer ce qui entre en dissonance ».
Selon une étude de l’Institut national de l’audiovisuel, la présence des faits divers dans les journaux télévisés a grimpé de 73% entre 2003 et 2013. Cette tendance s’observe dans tout type de médias. Sur RTL, l’émission L’heure du crime fait partie des plus écoutées sur la tranche 20h-21h, avec quelque 317 000 auditeurs quotidiens.
« J’adore les faits divers. Plus les affaires sont glauques, plus j’aime. J’ai du mal à l’expliquer mais c’est un peu cathartique » s’enthousiasme Megan Arnaud, étudiante et amatrice de l’émission Faites entrer l’accusé, sur France 2. « Ça remplace un polar et en plus les histoires sont vraies! J’ai besoin d’en savoir plus à chaque fois. »
A l’instar de la jeune femme, plus d’un million et demi de téléspectateurs sont devant leur écran chaque jeudi soir.
Amandine SANCHEZ