À l‘heure où le prêt-à-porter doit se révolutionner, une association a décidé de penser l’inclusion de façon innovante. Créée il y a huit ans, elle n’a seul qu’un objectif : rendre la mode accessible à tous, y compris aux personnes en situation de handicap. Pour l’équipe, pas question de stigmatiser avec une mode « adaptée » : chacun doit pouvoir s’habiller aux mêmes prix et dans les mêmes boutiques que tout le monde. 

« On n’y pense pas, mais il n’est pas toujours simple de trouver à s’habiller quand on a une problématique de santé ». Muriel Robine, présidente de Bien-à-porter, est à l’origine de la création de l’association. « Par exemple, trouver un haut facile à enfiler quand on a été opéré d’une mastectomie et qu’on a le bras gonflé à cause des effets secondaires de la chirurgie, c’est très compliqué. Aujourd’hui, rien ne relie les secteurs du prêt-à-porter, de la santé et les associations de patients ». 

Et pourtant, douze millions de personnes en France en souffrent. Connue pour ses prix élevés, la mode spécialisée fabrique des vêtements très peu esthétiques. Le prêt-à-porter, lui, ne facilite pas la tâche : il est difficile pour les personnes touchées de mettre la main sur des pièces faciles à enfiler et confortables, malgré des troubles moteurs, fonctionnels, cognitifs, sensoriels etc. Bien-à-porter a, malgré tout, prouvé par ses études que le secteur est capable de créer des vêtements « ergonomiques », même sans en avoir l’intention. L’accès est néanmoins semé d’embuches : perdus dans la masse, ils ne représentent qu’environ 10 % des collections. Les vendeurs manquent également de formation sur le sujet et sont rarement en mesure de bien conseiller ces clients-là. De quoi en décourager plus d’un…

 

Une association innovante qui répond à des besoins 

Le vêtement est pourtant un véritable outil d’inclusion sociale. « Depuis quelques temps, les médias parlent de handicap et de mode. Des enseignes comme Kiabi proposent une mode inclusive. Mais à chaque fois, il s’agit de vêtements spécifiques, aménagés avec des scratch ou des aimants. Chez Bien-à-porter, on prône une approche véritablement inclusive » explique Muriel.

Pour ce faire, l’équipe s’attache à analyser les interactions entre les éléments de composition des vêtements et les différents symptômes de maladies ciblées. Par exemple, elle étudie finement les types d’emmanchures compatibles avec l’habillage d’un seul bras par la personne hémiplégique. L’association construit, depuis des années, des cahiers des charges sur l’habillage selon différentes pathologies. Le fruit de ces analyses conduit l’association à aider les particuliers en leur donnant des conseils appropriés. Mais pas seulement : il lui permet d’apporter de nouveaux savoirs-faire à l’industrie du prêt-à-porter, en faisant monter les stylistes en compétences sur la réalité de certains besoins. Darjeeling et Promod, deux grandes marques de vêtement sont aujourd’hui impliquées auprès de l’association.

Bien-à-porter est la seule organisation au monde à avoir créé une interface entre la santé et la mode. A tel point que Vestechpro, centre de recherche et d’innovation en habillement  situé au Canada, a approché l’association en 2020 pour reproduire le projet sur son territoire. Le besoin est effectivement largement partagé. D’autres axes sont aujourd’hui en développement, comme une application mobile et des modules de e-learning à destination des professionnels du prêt-à-porter. 

Durant ces huit dernières années, l’équipe a été confrontée à de nombreux obstacles. « Le projet bouscule tellement les paradigmes qu’il ne rentre dans aucune case. Les demandes de subventions privées sont énergivores et les aides financières publiques sont de plus en plus faibles »  déplore la Présidente de l’association. Le changement de mentalités aujourd’hui à l’œuvre et l’intérêt porté pour le projet par certaines entreprises de l’industrie de l’habillement sont malgré tout sources de motivation et d’encouragement pour l’équipe. « La récente campagne #commejesuis de Darjeeling a fait du bien au moral de toute l’équipe » conclut Muriel. 

 

Jeanne DUMAS