De septembre à décembre, des jeunes âgés de 17 à 24 ans, issus du quartier de Malpassé, dans le 13ème arrondissement de Marseille, ont participé à la production d’un film sur l’accès à l’emploi. Ils se sont retrouvés mardi pour une projection-débat, au collège Edmond Rostand (13e), en présence d’élus, professeurs, éducateurs et chefs d’entreprise.
« Le quartier, c’est nous ! Nos mots ont plus d’impact que des chiffres donnés par certaines personnes qui ne savent même pas où se situe notre quartier ! » Les mots sont forts. Aussi puissants que ses coups de poing lorsqu’il est sur un ring. Ils sortent de la bouche d’Amir Mhoumadi, 23 ans, futur éducateur spécialisé, boxeur semi-professionnel et acteur du film. Mardi, aux alentours de 18h, lui et le reste de la bande (huit hommes et une femme) se sont réunis dans l’austère amphithéâtre du collège Edmond Rostand, au milieu des tours et des immenses barres d’immeubles défraîchies de Malpassé, pour présenter « Si on baisse la tête, ce n’est pas parce que les chaussures sont jolies ». Une quarantaine d’acteurs de l’insertion professionnelle ont bravé le froid glacial et ont garni les travées de la salle pour l’occasion.
L’ambiance est studieuse mais chaleureuse. Des sourires, des accolades, des tapes amicales font rapidement leur chemin. Chacun est conscient que ce film peut « amorcer une étincelle » dont le quartier a besoin, affirme Jules Girard, 30 ans et professeur à Rostand. Ce projet peut « mettre fin à la stigmatisation et à la discrimination », rêve Abdé Mazouz, 24 ans. Le peintre en bâtiment a lui aussi participé au film.
« Le changement, c’est maintenant »
A l’initiative, trois associations : Moderniser Sans Exclure (MSE), Impact Jeune et Massajobs. L’objectif est de « donner la parole à ceux qui ne l’ont pas ou peu » afin d’aborder une problématique qui les concerne tout particulièrement et « trouver des solutions concrètes », souligne Maxime Breithaupt, membre de l’équipe MSE. Selon un rapport de l’Observatoire régional de la santé Paca, le taux de chômage est de 31 % à Malpassé. Toujours selon cette étude, environ 40 % de la population en âge de travailler est sans diplôme.
Les jeunes contributeurs du film sont conscients de ces difficultés. « C’est pour sensibiliser les gens vis-à-vis de ces problèmes que je me suis engagé », affirme Ramy Sahraoui, 18 ans et étudiant en médecine. Durant la trentaine de minutes de la vidéo, Amir, Abdé, Imran, Ramy, Akram, Ben, Younés, Sofiane et Anita égrènent toutes ces complications. Délinquance, précarité, manque de confiance en soi, mépris des institutions, tout y passe. A ceux qui voient de la victimisation, le groupe rétorque en choeur qu’elle est « inexistante ». « On cherche de la compréhension, pas de l’empathie. »
Après le visionnage, les spectateurs semblent ravis. M. Girard, qui lutte depuis des années contre les injustices dans les quartiers populaires, envisage de « montrer le film » à ses collègues. Donia Ouanes*, éducatrice de rue, loue « la maturité et la justesse » des propos. Parfois démunie face à des situations désastreuses, elle est persuadée que « le film aura un retentissement ».
Toujours souriant mais déterminé, Abdé lance un appel aux patrons : « Le changement, c’est maintenant ! Vous devez faire confiance aux jeunes de cité car ils sont bourrés de talent ! »
*nom de famille modifié
Azir SAID MOHAMED CHEIK