Inès a peur. Ce jeudi 17 mars, avant de partir manifester pour le retrait de la loi El Khomri, sa mère lui a dit : « C’est bien d’aller manifester Inès, mais tu ne vas pas changer le monde ». Pourtant, cette jeune lycéenne, en Première littéraire au Lycée Vauvenargues, estime qu’il est primordial que les jeunes descendent dans la rue. Selon elle, il faut contester cette réforme qui menace l’avenir de toute une génération. Avec un sourire, timide, la lycéenne tout juste majeure confie que ce qui la pousse à manifester aujourd’hui, c’est la peur de ne jamais réussir à trouver un emploi stable.
« Je veux travailler dans le social. Devenir psychologue, c’est un rêve pour moi ». Seulement, d’après ce qu’elle a compris, la loi que le gouvernement tente d’instaurer va rendre le monde du travail encore plus instable qu’il ne l’est déjà : « Je ne connais pas tous les tenants et les aboutissants de cette loi, je l’avoue. Mais ce qui me choque le plus c’est qu’elle va contribuer à diminuer les salaires et à favoriser le licenciement : c’est n’importe quoi ! ». En effet, si Inès est au courant de cette loi, c’est que l’une de ses amies, membre du mouvement syndical Union Nationale Lycéenne, lui en a parlé. Elle n’est pas particulièrement intéressée par la politique, mais elle ne peut pas fermer les yeux sur un problème qui soulève de tels enjeux. « Je me suis renseignée sur Internet pour en savoir un peu plus, j’en ai parlé autour de moi. Contrairement à beaucoup ce matin, je sais pourquoi je manifeste » affirme-t-elle en désignant d’un mouvement de tête un groupe de jeunes ayant plus l’air d’être présents pour rater les cours que pour défendre une quelconque cause.
En effet, sur le parcours effectué par le cortège entre le parc Jourdan et la Rotonde, il est facile de distinguer les étudiants militants de ceux qui avaient juste envie de se dégourdir les jambes. La jeune et menue Inès déambule en tête du rassemblement, entre deux lycéens de plus d’1m80. Mais elle n’hésite pas à donner de la voix avec ses camarades : « El Khomri t’es foutue, la jeunesse est dans la rue ! ». Déterminée, elle n’est pas là pour s’amuser, mais l’anxiété se lit sur son visage et sur ses ongles rongés. Si Inès a peur, c’est notamment parce qu’elle a grandi dans un contexte familial peu rassurant : des parents qui « se serrent de plus en plus la ceinture », une mère particulièrement défaitiste, un grand frère au chômage malgré un niveau d’étude équivalant à un Bac + 3 …
La jeune fille déclare s’investir énormément au lycée, même si elle rencontre des difficultés, elle veut mettre toutes les chances de son côté pour avoir un bel avenir. Mais elle se demande de plus en plus si ça en vaut la peine. « On est un peu tous condamnés à devenir chômeurs ! » Malgré ses déclarations pour le moins pessimistes, Inès confie que, même si elle a peur, elle ne part pas vaincue non plus. « Si je pensais que c’était une cause perdue, je ne serai pas là ce matin ». En effet, malgré ses inquiétudes, la jeune fille aux cheveux blonds dégage une certaine joie de vivre. Elle adore sortir, danser, faire la fête avec ses amis et aime particulièrement le contact avec les gens. Et c’est justement la hantise de ne pas s’épanouir dans son avenir professionnel qui la motive à se mobiliser depuis une semaine. Elle a conscience que les manifestations ne servent pas systématiquement mais « qui ne tente rien n’a rien » rappelle-t-elle avant de repartir en direction du Lycée Vauvenargues. Car, même si Inès a peur, elle ne se laisse pas abattre.
Julie Musemaque