Depuis le 14 janvier et jusqu’au 15 mars se déroule à Aix-en-Provence, dans les locaux des Archives Nationales d’Outre-Mer, l’exposition « Le déracinement silencieux ». Réalisée à l’initiative personnelle de Sophie Hochart, elle a pour but de mettre en avant l’histoire, souvent méconnue, d’enfants nés en Indochine de mère eurasienne et de père inconnu mais présumé français.
C’est dans les locaux des Archives Nationale d’Outre-Mer (ANOM) que nous accueille Anne-Laure Vella et Marie-Andrée Durand, toutes deux membres d’ANOM. A l’entrée sont accrochées aux murs depuis presque deux mois, les photos de dizaines de personnes nées en Indochine et rapatriés en France entre les années 1947 et 1959. Le tout accompagné de témoignages de ces mêmes personnes, décrivant leur vie avant et après leur arrivée en France.
Des témoignages difficiles à recueillir, tant ce sujet reste tabou pour beaucoup d’entre eux. Ces enfants, aujourd’hui adultes, ont commencé à être rapatriés en France au début de la guerre d’Indochine. « Ils étaient discriminés dans leur propre pays, n’arrivaient pas à trouver leur place et étaient à la recherche d’identité » nous confie Anne-Laure Vella. Discriminés du fait de leur métissage, entre une mère eurasienne et un père inconnu mais présumé français. La France était en effet présente en Indochine de la fin du XIXème siècle jusqu’en 1954 et la fin de la guerre d’Indochine.
Il est finalement logique que cette exposition ait pris place à Aix-en-Provence et plus précisément dans le bâtiment des Archives National d’Outre-Mer. C’est ici que sont conservés les dossiers de la Fédération des Œuvres de l’Enfance Française Indochinoise (FOEFI), qui a été à l’initiative du rapatriement des enfants. Des dossiers dont on peut retrouver des fragments, exposés au milieu de la pièce, afin d’accompagner le travail de Sophie Hochart. La FOEFI, avec l’accord des mères des enfants, les a fait venir en France, leur a donné la nationalité française et les a placés dans des foyers créés pour eux. Elle s’est également assurée qu’ils reçoivent une éducation qui leur permet aujourd’hui de travailler dans des domaines divers et variés.
Mais cette initiative a aussi abouti à une acculturation très forte. « Les enfants n’avaient pas le droit de parler leur langue maternelle et leurs effets personnels leur ont été retirés. La Fédération avait la volonté de couper le lien qui les reliait à leur terre natale, afin qu’ils s’intègrent mieux dans la société française » explique Anne-Laure Vella.
Le déracinement silencieux reste une exposition peu connue, ce que regrette Marie-Andrée Durand : « Il y a juste eu un article dans La Provence au début, mais d’autres médias ont refusé de relayer l’événement, affirmant que ça n’intéressait personne ». Pourtant le parcours de ces enfants, au nombre de 4500 sans compter les dossiers détruits ou perdus, mérite que l’on s’y attarde. Des histoires bouleversantes qui ne vous laisseront pas indifférents.
Hugo Chirossel