Un jean, un pull fin et une paire de baskets. C’est paré d’un sobre camaïeu de bleu que Geoffroy de Lagasnerie arrive à la bibliothèque Méjanes ce mardi soir. En même temps, quoi de plus normal pour ce philosophe professeur à l’École Normale Supérieure d’Art de Paris Cergy que d’arborer les nuances ? C’est avec la même finesse que l’agrégé d’économie se déclare « radical » sans jamais être révolutionnaire…
A Aix, l’auteur de Penser dans un Monde Mauvais a répondu présent à l’invitation des Amis du Monde Diplomatique. La salle lui en est reconnaissante. Arrivé sous les applaudissements, il plante les bases de sa réflexion. Elle porte sur les raisons de l’échec d’une gauche qui n’a plus d’impact dans le champ politique depuis une soixantaine d’années.
En quelques grands points, le sociologue de 38 ans, développe sa pensée qu’il décrit volontiers comme « une suite de fragments qui se rejoignent les uns les autres ».
Une leçon pratique
D’abord, ce qu’il appelle indifféremment « la gauche », « nous » ou « le Progrès » ne prend pas la bonne direction en agissant toujours en réaction. Il détaille alors sa théorie pratique : « la gauche devrait trouver les moyens d’agir la première. Pour cela, elle devrait chercher à influencer les plus jeunes qui seront demain au pouvoir. Chercher à convaincre ceux qui sont élus est une perte de temps, ils sont trop bornés. Il faut infiltrer les élites ».
Lorsqu’il revient sur les façons de lutter au présent, l’essayiste se fait encore plus pragmatique. Il est vain de demander des changements institutionnels. Ils ne garantiront pas forcément de meilleures conditions de vie. La solution viendrait plutôt du droit. Enchaînant brillamment les comparaisons internationales et les auteurs de sociologie comme de géographie, son argumentaire convainc. Par exemple, mieux vaut attaquer l’État en justice pour son traitement des migrants à Calais que d’attendre la nomination d’un nouveau préfet.
Une réception enthousiaste
La salle aux 100 sièges est comble. Et arrivé le temps des questions, les remarques plus-ou-moins mordantes se multiplient. Parfois, le professeur encore jeune, avoue ne pas toujours être en mesure de répondre sur des points précis. Parfois il est ravi de recueillir des témoignages et, souvent, il prend un habile plaisir à échanger avec ces gens venus le voir.
Parmi eux, une histoire amusante ressort. Une femme explique lire les essais de l’auteur à ses deux enfants de 9 et 11 ans. Elle s’étonne du fait que ceux-ci (naïfs ?) comprennent mieux que certains adultes. Geoffroy sourit comme souvent, cette fois-ci visiblement touché. Cherchant ses mots, il retiendra comme explication le fait que les enfants sont tout autant conscients des inégalités que les adultes mais qu’à leur différence, ils ne sont pas aussi craintifs de transformer le monde. Eux, n’ont pas besoin de se mentir à eux-mêmes pour leur bonne conscience.
Il est près de 20 heures quand la conférence se finit, certains de ses admirateurs s’arrêtent pour échanger quelques mots supplémentaires. D’autres, plus vieux, ont visiblement été conquis et demandent une dédicace.
Une chose est certaine : le passage du philosophe aura fait réfléchir et réagir les Aixois ce soir-là.
Gaspard Dareths