La série Netflix “Dahmer”, sortie le 21 septembre 2022, n’a pas plu aux familles des victimes. Cette mini-série de 10 épisodes, créée par Ryan Murphy, retrace l’effroyable parcours de Jeffrey Dahmer. Le “cannibale de Milwaukee” a tué pas moins de 17 jeunes hommes entre 1978 et 1991. Condamné en 1992, il est resté en prison jusqu’à ce qu’un codétenu le tue le 28 novembre 1994. La série a fait parler d’elle récemment puisque les victimes collatérales ont découvert son existence en même temps que les abonnés de la plateforme.
Dans une ambiance glaçante, Jeffrey Dahmer, cannibale et nécrophile, collectionne les victimes et leurs restes. Les producteurs ont fait le choix de revenir sur l’enfance du meurtrier. A la suite de la séparation de ses parents, livré à lui-même, il a développé une fascination malsaine pour la dissection d’animaux morts. Après avoir sombré petit à petit dans l’alcool, Dahmer commet le premier meurtre d’une longue série. Froid, calme et méthodique, il est difficile d’éprouver de l’empathie pour lui.
Imaginez-vous à la place des familles des victimes… Vous allumez votre télé et constatez qu’une série romance la mort de votre proche, disparu. Quelle serait votre réaction ? Netflix a décrit la mini-série comme un moyen de « donner la parole aux victimes ». Les familles, elles, reprochent la diffusion de la source de leur malheur, sans leur consentement. A cette occasion, elles se sont exprimées sur les réseaux sociaux.
Errol Lindsey, 19 ans, a été la première victime de Dahmer. Sa sœur s’est livrée à Insider pour exprimer son chagrin : « Je n’en ai pas besoin, je l’ai vécu, je sais exactement ce qu’il s’est passé ». Elle reproche à la production de ne pas les avoir consultés avant la sortie du programme : « Quand j’ai vu les épisodes, ça m’a dérangé, surtout quand je me suis vu, quand j’ai vu mon nom apparaître à l’écran et cette dame dire, mot pour mot, exactement, ce que j’avais dit ». La reproduction de son apparition était parfaitement conforme au procès : même coiffure, mêmes vêtements, même posture… « C’est triste qu’ils fassent juste de l’argent avec cette tragédie ».
Eric Perry, cousin de Rita Isbell a fait savoir son mécontentement dans un tweet au lendemain de la sortie de la mini-série : « Je ne dis à personne ce qu’il faut regarder, je sais que les vrais médias du crime sont énormes, mais si vous êtes vraiment curieux de connaître les victimes, ma famille (les Isbell) est énervée par cette émission. C’est traumatisant encore et encore… Et pourquoi ? De combien de films/émissions/documentaires avons-nous besoin ? »
Scott Gunkel, employé d’un bar gay, dit avoir croisé le tueur à de nombreuses reprises. « Ils avaient tous des familles. C’est malheureux qu’ils aient en permanence ces nouveaux films et séries qui sortent. C’est difficile de tourner la page » déclare-t-il à la Fox. À la vue de tous, Dahmer avait un comportement tout à fait normal. Pourtant, il se rendait dans des bars ou des boîtes de nuit dans le seul but de trouver des victimes. Il les ramenait ensuite chez lui. Et elles n’en ressortaient jamais.
Shirley Hughes, mère d’une des victimes, s’est aussi confiée auprès du Guardian en octobre 2022 : «Je ne vois pas comment ils peuvent faire ça. Je ne vois pas comment ils peuvent utiliser nos noms et publier tout cela dans la nature». L’octogénaire affirme également que la série ne raconte pas les faits avec exactitude. Elle explique que, depuis le drame, elle ne s’est jamais épanchée auprès du public : « Ça fait mal. Je verse des larmes. Ce ne sont pas des larmes de chagrin, ni de l’incrédulité envers le seigneur. Ce sont des larmes de douleur parce que ça fait mal ». Dans les derniers épisodes, Dahmer débute une relation qui semble sincère avec son fils, Tony Hughes. Cette histoire donne l’espoir, aux téléspectateurs, de voir Jeffrey changer de comportement. On en éprouverait presque de l’empathie… Ce jeune mannequin aveugle représente une bouffée d’air frais pour le spectateur. Leur courte relation brise l’atmosphère oppressante de la série. Même si Tony connaîtra le même sort que les autres.
La série n’a donc pas (du tout) fait l’unanimité auprès des familles des victimes. Elle décroche pourtant la deuxième meilleure place des séries en langue anglaise sur Netflix. On dénombre pas moins de 205,33 millions d’heures de visionnage entre le 3 et le 9 octobre 2022.
Face à l’engouement autour de cette histoire, une boîte de nuit d’Aix-en-Provence prévoit même de diffuser les vrais portraits de Dahmer, ainsi que les photos des cadavres de ses victimes, pour Halloween. Véritable projet ou coup de pub? A suivre…
Emma Frary et India Reix