Les étudiants en musicologie et les élèves aux Conservatoires sont particulièrement touchés. Difficile d’apprendre à chanter ou de jouer d’un instrument à travers un écran. Aujourd’hui, les cours en présentiel ont repris pour la plupart mais de nombreuses craintes subsistent, notamment sur leur future insertion professionnelle ainsi que sur leur formation particulièrement impactée.
Les élèves ont été particulièrement touchés par la crise sanitaire qui les a forcés à poursuivre leur formation à distance lors des deux premiers confinements. Aujourd’hui, certains de leurs enseignements ont pu reprendre en présentiel tout en respectant un protocole strict. « Nous avons des plexiglas qui nous séparent et le professeur porte un masque », explique la jeune Louna, flûtiste. Ludivine, étudiante au Conservatoire d’Aix-en-Provence témoigne des difficultés des cours de chant lyrique tout en portant un masque et en s’éloignant les uns des autres : « On s’écarte au maximum mais cela provoque des contraintes car on n’entend pas très bien les autres et la respiration avec le masque est plus compliquée ».
Les professeurs aussi ont dû s’adapter afin d’enseigner à distance et tout cela a impacté la formation des étudiants : en distanciel, il est beaucoup plus compliqué de corriger la posture, le placement des doigts sur l’instrument ou même la tonalité de la voix. A cela s’ajoute la mauvaise qualité de la caméra et de la connexion internet de certains élèves : « Ma connexion est très souvent instable, mon apprentissage n’était donc pas optimal », ajoute Ludivine.
Un autre problème majeur : le manque de pratique. Rebecca, étudiante Erasmus allemande en musicologie, vit dans une résidence universitaire. « J’ai ma clarinette chez moi mais je ne peux pas jouer, de peur de déranger ceux qui suivent leurs cours par visio-conférence. Je n’ai pas de piano et depuis novembre, ce n’est plus possible de réserver une salle à l’université : j’ai surtout peur de perdre mon niveau ». Tout comme Louna, guitariste aux Conservatoires d’Aix et de Lyon, de nombreux étudiants ont dû arrêter de donner des cours particuliers à cause des confinements et du couvre-feu. Certains d’entre-eux ont connu de sérieux problèmes financiers : Emilie Delorme, directrice du Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris déclare que sa structure aide financièrement 1 étudiant sur 3 alors qu’avant la crise sanitaire, cette bourse ne concernait qu’un élève sur 10.
« Ça me manque de ne pas pouvoir montrer aux autres mon travail », souligne Doriane, étudiante en classe d’accordéon au Conservatoire Darius Milhaud d’Aix. Pour y remédier, lors du 1er confinement, elle a participé « à un projet qui visait à jouer un morceau, s’enregistrer, puis faire un montage, qui a donné une belle vidéo comme si on avait joué en orchestre. On a pu la diffuser sur les réseaux sociaux ». Le moral des étudiants en musicologie est compliqué, comme le confirme Ludivine, étudiante en chant lyrique. « Même si nous ne sommes plus confinés, nous n’avons plus le droit de remettre les pieds au conservatoire depuis octobre. Je dois travailler seule chez moi, sans pianiste pour m’accompagner. Cela impacte lourdement notre formation et nous touche beaucoup moralement. ». D’autant que certaines incohérences existent. Louna, étudiante à la fois aux Conservatoire d’Aix et de Lyon, explique que les cours d’ensemble de guitare ne sont autorisés que dans l’une des deux structures.
L’incertitude sur l’avenir et sur leur future insertion professionnelle fait peur aux étudiants. « Il est difficile de se projeter dans l’avenir » confie Ludivine. « Difficile également de s’épanouir dans un monde qui actuellement ne juge pas la culture comme essentielle. Les salles de spectacle étant toujours fermées, les opportunités pour se produire restent faibles. Nous avons le sentiment d’être oubliés ».
Valentine Lamoureux