© Dèlio Grach
Jeudi 2 novembre, à la Comédie d’Aix, peu après 20h30, les lumières s’éteignent progressivement pour laisser place aux cinq acteurs de la pièce du soir. Dans le contexte géopolitique actuel si particulier, le théâtre aixois accueille “Adieu Monsieur Haffmann”.
Jean-Philippe Daguerre met en scène Joseph Haffmann, un bijoutier juif durant la Seconde Guerre mondiale. Celui-ci tient une bijouterie familiale en plein cœur de Paris. En mai 1942, au bord de la faillite, il propose à son employé, Pierre Vigneau de prendre la direction de la boutique. Ce n’est pas la seule raison qui le pousse à cette décision puisque le port de l’étoile jaune est décrété le 28 mai 1942. En attendant que la situation dans le pays redevienne normale, Joseph demande aussi à être hébergé clandestinement dans la boutique par son nouveau patron. Cet accord n’est conclu qu’à une condition particulière : Pierre étant stérile, il aimerait que Joseph entretienne des rapports sexuels avec sa femme afin qu’elle tombe enceinte. C’est dans ce cadre que la pièce prend place. Les personnages évoluent considérablement pendant l’heure et demie de représentation. On comprend notamment que Monsieur Vigneau, estropié, stérile et frustré, voit en Haffmann tout ce qu’il voudrait être. Ce service est l’occasion rêvée pour un homme sans envergure comme lui. Ce monsieur “Tout-le-Monde” devient en réalité le pire des hommes et franchit des barrières morales de plus en plus lourdes de conséquences.
La performance des acteurs est à souligner. Récompensé par quatre Molières en 2018, dont trois d’interprétation, ce huis-clos met l’accent sur l’aspect psychologique des personnages. Par conséquent, les acteurs subliment leurs rôles. Adaptée au cinéma par Fred Cavayé, la représentation reste beaucoup plus puissante, notamment par la proximité avec les comédiens, renforçant la tension de l’œuvre. Les spectateurs se sentent au cœur des conversations qui ont lieu dans cette boutique. Ils peuvent donc mieux comprendre et appréhender les enjeux de chacun des protagonistes. “On a l’impression d’être nous aussi dans la même situation que ce monsieur Haffmann et d’être directement concernés par les dialogues entre eux, c’est extrêmement prenant”, glisse un spectateur à l’issue du baisser de rideau.
Cette pièce est une occasion de rappeler le cauchemar vécu par les juifs durant la Seconde Guerre mondiale. Elle est d’autant plus importante au vu des faits d’actualité et de la progression des actes antisémites ces derniers temps. Il ne reste plus que les 9, 25 et 29 novembre pour découvrir les véritables volontés de Pierre Vigneau et connaître le dénouement de cette pièce captivante à la Comédie d’Aix.
Dèlio Grach