Les restaurants et bars italiens ont rouvert leurs portes ce lundi 1er février. Mais ces derniers n’ont le droit d’ouvrir que la journée. J’ai donc décidé de passer la frontière pour profiter de cette réouverture.
J’ai été privilégié. J’en ai conscience.
Lorsque ma copine Léa et moi avons appris, ce lundi 1er février, les restaurants et bars rouvraient leurs portes en Italie, nous n’avons pas hésité une seconde. On a sauté dans ma petite Hyundai noire. Direction Bordighera. Une petite commune de 10 000 habitants bloquée entre la Méditerranée, Vintimille et San Remo. Nous ne connaissions pas l’endroit, mais nous avions faim d’authenticité, et n’étions pas très intéressés par les attrapes-touristes de la frontière. Après une balade dans les petites ruelles désertes, nous tombons par hasard sur un restaurant coincé entre la Piazza della chiesa (place de l’église) et la Via Lunga. Sans trop réfléchir nous décidons de rentrer dans l’Osteria Magiarge.
« Comme si nous n’avions pas le droit d’être là »
Nous ouvrons la porte timidement, comme si nous n’avions pas le droit. Un serveur s’approche, et nous accueille chaleureusement d’un accent italien « une table pour
deux ? Bien sûr suivez-moi ». Nous entrons dans la salle principale où les quatre clients déjà présent nous regardent de la tête au pied, en tant que Français nous ne sommes pas les bienvenus. La pièce, ponctuée d’une dizaine de tables en bois, de tableaux italiens et d’un papier peint orange, apporte un bien-être profond. Nous sommes suivis de près par le serveur et son spray désinfectant. Après nous être assis nous enlevons doucement nos masques. Ça y est. Nous sommes de retour au restaurant, pour la première fois depuis plus de trois mois. Le serveur nous propose le vin de la maison « un blanc sec et local ». Il accompagnera donc une assiette de charcuterie de la région et des encornets frais au velouté de pois chiche. Nous avons la sensation de rêver en voyant nos assiettes approcher. Pendant un instant, la pandémie a disparue. On est vite rappelés à l’ordre par les deux serveuses masquées qui désinfectent deux chaises dans le fond de la salle.
Une fois l’entrée terminée, Léa prendra un lapin mariné au Pigato1. Ce sera des pâtes fraîches au pesto maison pour moi. Sans surprise le repas est excellent. La viande parfaitement cuite. La sauce subtilement maîtrisée et dosée. Mais ce qui me marque le plus, c’est le service. « Ça nous fait du bien » confesse une serveuse. « On ne demande qu’à travailler, je suis persuadée que l’on peut concilier restauration et gestes barrières ». Le ventre plein, le moral requinqué nous décidons d’aller prendre un dernier café en bord de mer avant de rentrer. Couvre-feu oblige.
Notre dernier frisson a lieu sur le retour, peu avant Menton. « Retour en France, test PCR obligatoire » annonce un panneau. Les personnes en provenance d’un État membre de l’Union Européenne doivent se munir d’un test PCR négatif de moins de 72h ainsi que d’une déclaration sur l’honneur sous peine d’être refusées et renvoyées dans le pays limitrophe par la douane. Autant vous dire que nous n’avions ni l’un ni l’autre. Cela semble logique, mais nous n’étions pas au courant et n’y avions pas réfléchi, trop appâtés par l’appel de la cuisine italienne. À l’approche du péage, la discussion cesse. La pression monte. Je paye l’autoroute et croise le regard de l’agent de douane. Je continue mon chemin sans être arrêté.
Soulagés, nous rentrons chez nous ! Soulagés et privilégiés.
Vincent Pic