Gen Z : Solal, 23 ans, suisse d’origine « la tendance du système à rester conservateur m’inquiète »

À 23 ans, Solal a déjà posé ses valises aux quatre coins du monde. Né à Genève, il a grandi entre Montréal, Los Angeles et Mexico avant de s’installer en France. Aujourd’hui étudiant en master d’anthropologie à Barcelone, il se cherche encore un avenir, partagé entre la France et l’Espagne, loin d’une Suisse qu’il juge trop peu ouverte. 

Montréal, Los Angeles, Mexico. Solal est né à Genève mais a suivi ses parents au fil des déménagements. Après cinq ans passés en France, il étudie à Barcelone, en Erasmus. Quant à son avenir professionnel, Solal avoue être en pleine recherche, évoquant une formation de menuisier, un « vrai métier » selon lui.  

Pour sa vie future, le Genevois hésite entre la France et l’Espagne. La Suisse, pourtant terre natale, ne le séduit pas vraiment. S’il rentre chaque été pour revoir ses amis, il ne se retrouve pas dans la mentalité. Ce pays pourtant plurilingue (romanche, italien, français et suisse allemand) reste marqué par une culture politique conservatrice qui, malgré des référendums réguliers et une démocratie participative, contraste avec « l’esprit révolutionnaire français ».  

 

D’où vient ton engagement politique et militant ?  

Mon engagement militant a commencé vers 15-16 ans, surtout sur la question du logement à Genève. Il n’y a pas vraiment de système d’aide publique comme en France et c’est environ 2 000 francs (ndlr, l’équivalent de plus de 2000 euros) par mois pour un étudiant, entre loyer et assurances ! J’étais dans un groupe appelé Droit à la ville, qui organisait des manifestations et des occupations pour défendre le droit au logement, inspiré par l’idée que la ville ne doit pas être juste un bien de consommation, mais un espace où chacun peut vivre bien. Ensuite, je me suis aussi engagé dans le mouvement climat vers 16-17 ans, puis en France, avec un focus sur l’écologie et les questions sociales comme la réforme des retraites.  

 

Que penses-tu de la génération Z dans ton pays ?  

Quand j’étais au lycée, la génération Z en Suisse a vraiment marqué le coup avec de grosses mobilisations sur la question du climat. Ils ont organisé pas mal de manifs et géré tout ça eux-mêmes, ce qui était assez impressionnant. À la fac, les jeunes continuent à s’engager, notamment sur la Palestine, avec des blocages de plusieurs semaines, chose qu’on voit rarement en Europe. Les luttes autour du féminisme, de l’écologie ou des droits sociaux sont également bien présentes. Mais tout cela n’a rien à voir avec la réalité d’autres pays, où les problèmes de base comme l’accès à l’eau sont encore le principal souci. La Suisse est un pays riche qui a profité de la colonisation, alors que Madagascar par exemple, c’est une ancienne colonie pauvre.  

 

Est-ce que tu trouves que les jeunes de la génération Z sont engagés politiquement ?  

Notre génération est un peu charnière. On est les premiers à vraiment subir les effets du changement climatique, ce qui rend les jeunes beaucoup plus politisés que les trentenaires ou les générations précédentes. Les millennials, eux, me paraissent assez détachés. La génération entre 30 et 60 ans est plus absente : elle travaille, croit encore au système et pense que tout peut continuer comme avant. Nous, on voit bien que ce monde-là arrive en bout de course, et ça nous rend sûrement plus lucides et plus radicaux. On voit à quel point, dans certains pays comme le Népal ou Madagascar, un système politique apparemment figé peut finalement basculer très vite. En Europe, tout paraît verrouillé, on a l’impression qu’un seul modèle d’État est possible, alors qu’en réalité tout peut changer si une majorité le décide.  

 

Qu’est-ce qui te préoccupe le plus dans ton pays ? Le gouvernement se soucie-t-il assez des jeunes ?  

Ce qui m’inquiète le plus dans mon pays, c’est l’influence des lobbies et la tendance du système politique à rester conservateur. La Suisse a un bon système, mais il est freiné par le poids de certains intérêts privés. On a aussi une culture politique qui peut devenir assez réactionnaire, notamment parce qu’on n’a jamais vraiment dû affronter notre passé ou se remettre en question, contrairement à d’autres pays qui ont beaucoup plus subi le nazisme. L’extrême droite est bien présente, même si elle est moins visible qu’ailleurs.  

Concernant les jeunes, j’ai souvent l’impression que le gouvernement ne fait pas assez. S’il voulait vraiment s’occuper de notre avenir, il s’impliquerait beaucoup plus sur l’écologie et repenserait le modèle économique. La société qu’on nous propose n’a pas l’air très motivante : on valorise la productivité au détriment de métiers essentiels mais mal payés, alors que beaucoup de jeunes recherchent plus de sens et une meilleure répartition des richesses et du temps de travail.  

 

Quel impact les réseaux sociaux ont-ils sur ta vie et sur celle de tes amis ?  

J’ai supprimé Instagram il y a un an pour limiter le temps passé, car je pouvais rester des heures sur des contenus politiques ou des vidéos sans rien retenir, juste pour le plaisir immédiat. Pour moi, ces plateformes servent souvent à gérer mes émotions. Quand je suis stressé par le climat ou la violence, je me perds dans des vidéos qui me fatiguent mais m’aident aussi à décrocher un moment. Toutefois, j’aime les réseaux pour suivre l’actu en direct, surtout pendant les manifs ou émeutes, et aussi pour l’humour qu’on y trouve. Côté info, j’utilise surtout Telegram, qui évite la censure d’Instagram. Parfois, je cherche à me détendre et je me retrouve face à des contenus lourds, ou, au contraire, en me mettant à m’informer, je finis devant des vidéos de chats… pas prévu du tout !  

 

Est-ce que tu te sens confiant pour ton avenir ?  

Ça dépend des moments. Il se passe beaucoup de choses politiques, ces périodes de transition sont fascinantes malgré la peur qu’elles suscitent. Je suis terrifié par la destruction en cours : un chaos climatique massif, la montée du fascisme dans presque tous les pays, sans vrais contre-pouvoirs. C’est ma principale angoisse. Pourtant, j’ai beaucoup d’espoir. Ce qui m’intrigue, c’est la capacité humaine à rebondir face aux crises majeures qui nous frappent. L’exemple du Népal montre que le changement est possible.  



La Rédac ( Bettina, Emma, Elina, Marius, Virginie )