Un accident de la circulation a coûté la vie à six enfants et en a blessé gravement dix-sept autres, c’était il y a sept ans. Ce jour-là, le bus scolaire entre en collision avec un train à un passage à niveau dans le petit village de Millas (Pyrénées-Orientales). Sur le banc des accusés, la conductrice a été condamnée à 5 années d’emprisonnement dont 1 an ferme pour homicide et blessures involontaire avec imprudence et décide de faire appel de jugement. La Cour d’assise des Boûches-du-Rhône est alors revenue sur ce drame dont les cicatrices sont loin d’être refermées. Pendant trois semaines (7 au 25 octobre), témoins, victimes et experts se sont déplacés à Aix-en-Provence pour se succéder à la barre afin de livrer leur témoignage devant la Cour. Une présence souhaitée dans l’attente d’une prise de parole de la part de l’accusé.
Dès la première instance, l’enquête avait rapidement pointé la responsabilité de la conductrice du bus, accusée de ne pas avoir respecté la signalisation du passage à niveau. Aujourd’hui, Nadine Oliveira réclame l’acquittement, affirmant qu’aucune erreur humaine n’est en cause : elle soutient toujours que l’accident aurait été provoqué par une défaillance de signalisation, la barrière étant restée fermée. Pour la partie civile, la responsabilité de l’accusée ne fait aucun doute : c’est elle qui aurait provoqué l’accident, la barrière se trouvant relevée. Deux versions opposées s’affrontent donc à la barre pendant trois semaines.
Une animosité au cœur de la commune
La particularité de cette affaire plonge la salle d’audience dans un climat spécifiquement tendu où chacun semble revivre le drame. Cette atmosphère chargée s’explique par le lien étroit entre les habitants de ce village de 4 300 personnes, tous confrontés à cette douleur commune. L’avocate d’une des 123 parties civiles qui s’étaient constituées, Maitre Keita, décrit l’impact singulier de cette affaire dans cette localité où tout le monde se connaissait. « Ce qui complique les choses, c’est que Millas est un petit village. L’animosité entre les victimes est bien présente. Certains parents, dont les enfants sont décédés, ont parfois eu du mal à comprendre la douleur des autres, minimisant leurs souffrances ». Ce contexte a créé des fractures profondes au sein des familles : tandis que certains pleurent des enfants disparus, d’autres accompagnent des proches blessés par l’accident.
L’accusée a choisi de faire appel pour les charges qui lui incombe. Pour certaines victimes présentes au procès, cette réouverture est perçue comme un véritable « procès de la colère. » Si certains cherchent avant tout à honorer la mémoire des disparus, d’autres, ayant des survivants à leurs côtés, espèrent peut-être davantage de réponses ou de reconnaissance pour les blessures laissées par le drame. Initialement, le soutien à l’accusée se trouvait être quasi inexistant, beaucoup tenant déjà pour acquis sa responsabilité dans l’accident. Toutefois, conformément au principe de présomption d’innocence, la conductrice reste présumée non-coupable tant qu’elle n’a pas été définitivement condamnée, et le doute, s’il subsiste, doit toujours lui profiter.
Des blessures encore ouvertes
Le processus judiciaire joue un rôle crucial dans le cheminement du deuil, mais lorsqu’une décision se fait attendre – près de sept ans après les faits – il devient impossible pour les proches de tourner la page. Alicia Poveda, victime de l’accident, a perdu l’usage de sa jambe lors de la collision. Âgée de 12 ans au moment des faits, elle confie « En réalité, je souhaiterais commencer le deuil de cette histoire pour me reconstruire. Cela ne consiste pas à amnistier les mémoires de ceux que l’on a perdus ce jour-là, mon handicap pourrait difficilement me le faire oublier. Mais envisager des propos d’excuses pour soulager quelques souffrances ». Aujourd’hui, le procès laisse entrevoir que la recherche de la vérité est loin d’être achevée, et que la réconciliation, si elle est possible, reste à construire.
Une peine plus lourde prononcée en appel
Le procès en appel de la conductrice impliquée dans l’accident de car scolaire se poursuit en son absence depuis le troisième jour d’audience. Elle fait face à une réévaluation : le parquet a réclamé un durcissement de la peine, avec deux ans de prison ferme contre un an initialement prononcé en première instance. En plus de l’annulation de l’ensemble de ses permis de conduire, elle se verrait interdite de les repasser pendant cinq ans. Par ailleurs, l’accusée serait frappée d’une interdiction d’exercer toute activité professionnelle dans le secteur des transports. Le verdict, confirmant la culpabilité de la conductrice, ouvre peut-être enfin la voie au véritable travail de deuil pour les familles, qui voient en cette décision une forme de reconnaissance de leur souffrance et de justice rendue.
Julie Deichelbohrer