Les Ultras sont présents dans chaque club de foot, supporters les plus fous, les plus passionnées et les plus excessifs. D’où vient cette culture ? 

Il aura suffi d’une proposition pour faire chavirer Marseille. Agora OM, projet visant à enlever les groupes ultras des virages du stade vélodrome. Tous les pouvoirs politiques de la région se sont insurgés, et ont provoqué le départ du président à l’origine de cette proposition, Jacques-Henri Eyraud. Retour sur les origines de cette culture si présente dans les clubs. 

Tout démarre en Italie, durant les années de plomb. En 1968, le pays est plongé dans de graves tensions politiques entre l’extrême gauche et l’extrême droite. Les manifestations communistes tournent régulièrement en émeutes et les attentats terroristes se multiplient. Ces mouvements vont rapidement s’exporter dans les stades transalpins, initiant le mouvement Ultra. Les valeurs prônées s’apparentent à celle des manifestants : la culture de l’anonymat, l’autofinancement et la solidarité entre les membres. Aujourd’hui encore ces valeurs sont fondamentales dans les organisations. Le terme ultra est employé pour la première fois à la fin des années 60 par la presse italienne pour qualifier les supporters les plus « extrêmes ». Les premiers groupes prennent directement les noms des milices communistes italiennes comme la Brigade à Milan. Les organisations, issues du prolétariat, s’approprient rapidement une partie du stade, souvent les virages (où se situent les places les moins chères) et y étendent leurs bâches. Véritable étendard, c’est le reflet de l’identité du groupe. Ils chantent, craquent des fumigènes, ne s’arrêtent jamais. C’est le début d’un mouvement qui va séduire une grande partie de l’Europe.

Le premier groupe français voit le jour à Marseille en 1984. À l’époque la plupart des supporters issus des quartiers Nord se rejoignent dans la partie haute du virage Nord du Stade Vélodrome. Inspirés par les supporters italiens, ils forment le Commando Ultra 84. Pour l’anecdote, le fameux « aux armes ! » est une reprise d’« All’armi », un chant entonné par les troupes fascistes de Benito Mussolini. Il est importé en France par les membres du CU84 après avoir assisté au derby entre le Milan AC et l’Inter Milan. Aujourd’hui, il est repris dans d’autres stades en Allemagne, mais aussi à Bordeaux.

Le Commando séduit, et inspire les supporters niçois, parisiens, lyonnais qui vont eux aussi rapidement créer leurs groupes. Aujourd’hui, ils sont cruciaux dans certaines villes, ils représentent des quartiers, diasporas ou des classes populaire. Comme le RC Lens où les supporters, qui représentent fièrement la classe ouvrière, entonnent à chaque match « Les Corons » rendant hommage au passé minier de la région. Ces derniers représentent souvent l’identité d’un club, à l’instar des Magic Fans, supporters de l’AS Saint-Etienne, qui ont la réputation d’être des supporters très chauds. À tel point que le stade des verts, Geoffroy Guichard est surnommé le Chaudron. 

Les relations entre groupes 

Mais la rivalité sur le terrain s’exporte progressivement dans les tribunes. Les affrontements entre supporters sont de plus en plus virulents. Caillassage de bus, vols de bâches, insultes… Les grandes affiches nécessitent souvent des dispositifs de sécurité extrême, mobilisant des milliers de policiers. Mais depuis une dizaine d’années, les groupes partagent une vision commune : le rejet du foot business et l’accroissement de l’influence du milieu populaire dans les stades. En 2016, les ultras du PSG attaquent leur club, détenu par le Qatar, après que la direction a voulu s’approprier le slogan du groupe « Ici c’est Paris ». Les affrontements entre supporters du même club ne sont pas rares. Le club de la capitale connaît le pire dans les années 2000. Au Parc des Princes la rivalité entre les deux virages, Boulogne, et Auteuil, ne cesse de s’accroître. Jusqu’en 2010 où un membre des « Boulogne Boys » est battu à mort par des membres du groupe opposé. 

Mais cela n’empêche pas certains supporters de clubs différents de se lier d’amitié. Les relations entre Lillois et Nantais par exemple sont très bonnes. En 2014 après un problème avec la sécurité les supporters locaux ont invité les Nantais dans leur virage pour suivre le match. Ou encore, en 2017 quand Dortmund reçoit Monaco dans le cadre d’un match de Ligue des Champions. La rencontre est repoussée à cause d’un attentat à proximité du stade. Les centaines de supporters monégasques n’ont alors pas d’endroit où dormir, leurs homologue allemands lancent un hashtag solidaire sur les réseaux sociaux (#BedForAwayFans) afin d’héberger les ultras ayant fait le déplacement. 

Certains ne comprennent pas la passion de ces supporters qui pourraient mourir pour leur club. En effet, au fil de leur vie, les individus changent de femme, de religion, d’opinion politique, mais très rarement de club de foot. Une étude a été menée sur ce sujet. Elle démontre que l’attachement qu’un ultra porte à son club réveille la même partie de cerveau que l’amour maternel. 

Vincent Pic