« Marseille, c’est comme l’Argentine ».  Prononcée l’an dernier lors d’un entretien avec la presse par l’attaquant Dario Benedetto, cette rengaine populaire (et vendeuse) nourrit beaucoup de fantasmes auprès des supporters olympiens. Eux qui acceptent bien volontiers la flatteuse comparaison avec les « aficionados » du Stade Monumental et de la Bombonera, références mondiales du genre. Mais cette phrase à l’emporte-pièce a-t-elle une connotation sociologique, alors que l’entraîneur Jorge Sampaoli, ancien sélectionneur de l’Albiceleste, s’apprête à diriger son premier match avec  l’OM contre Rennes ce soir. Une équipe qui compte déjà deux ressortissants argentins, plus gros contingent étranger devant l’Espagne et le Japon.

Crâne rasé, visage dur, bras volumineux et tatouages fièrement exhibés. Jorge Sampaoli est la personnification d’un des acteurs célèbre du football mondial : l’Ultra. Gueulard, combatif, excessif, comme lors de son dernier match au Brésil. Il avait alors été exclu, puis photographié en train d’escalader le grillage de la tribune du stade pour contester une décision arbitrale. Connu pour ses coups de sang, mais aussi pour son admiration pour l’ex-entraîneur Marcelo Bielsa, idole des travées du Vélodrome, le natif de Casilda possède de nombreuses similitudes avec les supporters olympiens. Suffisant pour que l’idylle dure plus d’une saison, sa plus longue (et seule) expérience européenne, à Séville ?
Dès son arrivée, Sampaoli a tenu à exprimer son envie de partager des moments forts avec le club de la cité phocéenne : « Marseille est un club du peuple et je me sens moi-même dans cette chaleur (…) Je rêvais de pouvoir faire la fête dans la ville », a-t-il clamé.

Journaliste sportif pour la radio Maritima, spécialisé dans le suivi de l’Olympique de Marseille, Karim Attab porte un regard nuancé sur l’ex-entraîneur de l’Atletico Mineiro : « Au Brésil, Sampaoli a récolté 15 cartons jaunes en 1 an et trois trois matches de suspension à cause de son impulsivité. Son engagement sera un plus pour les joueurs, car il les porte et les galvanise. Cependant, il va falloir qu’il se canalise sur son banc, car les instances françaises seront intransigeantes ».

Les marseillais aiment ceux qui leur ressemblent




Le Virage Sud met à l’honneur ses joueurs hispaniques. Photo K.A.


Site internet spécialisé dans le traitement de l’actualité du club olympien, « Le Phocéen » proposait dans son magazine de novembre 2019 un dossier « Le fantasme argentin, pourquoi Marseille en est fou ? ».  Parmi les raisons avancées pour une telle connivence, corroborées par des sociologues, la proximité entre les couleurs du club olympien et de l’Albiceleste, le bleu et blanc. Pas suffisant pour affirmer un lien de parenté entre marseillais et argentins. 

Pourtant, un soir de France-Argentine au Vélodrome en 2009, l’irréel prend le pas sur la réalité. La « Céleste »,  alors entraînée par la légende Diego Maradona est portée et acclamée pendant 90 minutes contre une équipe de France médusée, et son sélectionneur Raymond Domenech, hué par une partie du public, s’incline 2-0.  
La mentalité révolutionnaire des Méditerranéens correspond parfaitement à leurs homologues « Sudam ». L’un des plus célèbres d’entre eux, Ernesto « Che » Guevara, symbole de toutes les révolutions populaires, trône fièrement en haut du virage Sud du stade Vélodrome, aux côtés d’une des devises des « South Winners » : « Indépendance ». 
Habitués des révoltes quand la situation n’est pas à la hauteur de leurs attentes, les fans de l’OM l’ont encore prouvé il y a quelques semaines lorsqu’une manifestation contre la direction du club s’est terminée dans les flammes et le chaos, dans l’enceinte même de la Commanderie. Plus que du caractère, il faudra que le nouveau coach marseillais propose un football alléchant et des résultats convaincants pour calmer un temps soit peu les ardeurs locales. 

Dernier axe de réflexion avancé par le site internet, les nombreuses similitudes entre Marseille et la capitale argentine Buenos Aires. Pour ceux qui ont fréquenté les deux villes, comme le commentateur de la chaîne Bein Sport Omar Da Foncesca, plusieurs caractéristiques surprennent par leurs similitudes,  notamment le bruit, la chaleur, la multi-culturalité ou encore l’effervescence. Les Marseillais aiment donc ceux qui leur ressemblent, même par-delà les frontières.

L.K.