Sylvia, 40 ans, mère de famille, assistante de services hospitaliers, tuée à coups de couteau par son compagnon dans le Bas-Rhin. (Œuvre : Stéphane Tretz / Photo : Marie Lagache)
Dans la salle des pas perdus du Palais de Justice d’Aix-en-Provence, la sculpture « Jusqu’à la Vie » de l’artiste Stéphane Tretz en collaboration avec l’Union Nationale des Familles de Féminicide (UNFF) apporte un regard différent, mais tout aussi nécessaire, sur les 150 victimes de féminicides en 2019.

Une image vaut mille mots. L’artiste Stéphane Tretz et l’Union Nationale des Familles de Féminicide (UNFF) l’ont parfaitement compris. Au travers de la sculpture « Jusqu’à la Vie » le plasticien et l’association nous offre un symbole de commémoration et d’espoir en hommage aux victimes de violences conjugales. L’œuvre a été présentée au public à l’occasion d’une journée de formation sur la lutte contre les violences au sein du couple en octobre.

Au cœur de la salle des pas perdus du Palais de Justice d’Aix-en-Provence l’imposante structure attire l’œil. Cette dernière se compose de 150 cadres pour représenter les 150 femmes victimes de féminicides pour l’année 2019. 23 familles ont donné l’autorisation de reproduire le portrait de leur proche. Les autres victimes sont représentées par un tableau vide. Le message passe parfaitement. Comme les rayons du soleil au travers de ces absences.

©Marie Lagache

Lors de l’inauguration, Hélène De Ponsay, vice-présidente de l’UNFF, a lu un texte écrit par l’artiste lui-même. Stéphane Tretz définit son travail comme « engagé, militant, pédagogique, artistique et poétique ». « Ce projet est né d’une incompréhension » face à la tragédie qu’est la mort de plus d’une centaine de femmes tuées par leur conjoint ou ancien compagnon, confesse l’artiste. Jusqu’à la Vie incarne alors un devoir de mémoire « C’est une promesse aux familles des victimes. »

Au-delà de l’art en lui-même, cette œuvre résonne comme un symbole fort. Par sa dimension poétique, elle réussit à toucher émotionnellement et devient le témoignage de cette tragédie. Pourtant, face aux touches de couleur des cadres, Jusqu’à la vie s’impose aussi comme l’espoir d’une solidarité retrouvée et d’une empathie partagée. La sculpture dépasse alors le devoir de mémoire pour les familles et la société, elle peut devenir « le phare qui nous éclaire ».

©Marie Lagache

Dans sa forme, Jusqu’à la vie dépasse le cadre de l’exposition traditionnelle. La structure de l’installation peut se décliner. Les tableaux peuvent se détacher et se raccrocher sur un autre support. Son emplacement et sa disposition n’ont rien d’anodin. L’œuvre est pensée pour occuper parfaitement l’espace. C’est une réflexion autour de la problématique des violences conjugales au regard du contexte de son emplacement, le Palais de Justice. « Quand dispositifs échouent » l’artiste et l’association souhaitent « contribuer à rendre le monde plus juste » et « penser aux victimes de féminicides autrement que par un chiffre ».

L’œuvre prend une tout autre dimension en prenant du recul. « L’éloignement permet la figuration », explique l’artiste. Un autre regard s’offre à nous en faisait quelques pas en arrière. Les visages des victimes deviennent plus nets et le tragique lien qui les unies aussi. Une réflexion s’engage et le débat s’ouvre. « C’est un monument pour la vie », rappelle cependant Stéphane Tretz. L’affichage peut se moduler et donc être accroché autre part à l’avenir. Les victimes reprennent alors leur place dans l’espace. Dans la vie.

Marie Lagache