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Angoisse, anxiété, dépression… La pandémie du covid-19 provoque ou accentue le mal-être des étudiants. Des Haïtiens résidant en cité universitaire à Aix-en-Provence tirent la sonnette d’alarme.

« Parfois, je me demande si j’ai pris la bonne décision en venant étudier ici ». Ce genre de confidences revient souvent dans les témoignages de ces jeunes gens qui ont quitté leur pays pour poursuivre leurs études en France. Résidant en cité universitaire à Aix-en-Provence, ils essaient tous de s’adapter à leur nouvelle vie, particulièrement compliquée, en raison du contexte sanitaire.

Cependant, d’autres comme Rébecca, s’en sortent assez bien jusque-là. « À part les quelques cours mis en distanciel, la crise sanitaire ne m’a pas trop affectée », se réjouit la jeune femme. Pour autant, elle admet que ce n’est pas facile d’être loin de sa famille : « Ça fait beaucoup de pression en cette période assez particulière ». Son amour pour ses études lui donne la force de tenir. « Je suis également très satisfaite de ma formation », explique l’étudiante en deuxième année de master Action et Droit humanitaire.

Le risque de dépression s’accentue en période de partiels

Si jusque-là certains arrivent à garder la tête hors de l’eau, d’autres ont encore beaucoup de difficultés. Guesline et Claire, deux étudiantes haïtiennes ont craqué en janvier. « Une fois, j’ai vu Guesline s’écrouler dans la cour de la Faculté de droit », se souvient Daniel, un autre étudiant haïtien qui côtoie les deux jeunes amies. En effet, l’état de santé de Guesline s’était beaucoup dégradé au cours du premier semestre de l’année académique.

« C’est compliqué de tout gérer en même temps. » Les deux jeunes femmes ont connu un grand coup de stress pendant la période des partiels, le mois dernier. Il leur était très difficile de s’organiser avec les cours et les examens qui s’accumulent. La veille de ses derniers partiels, Guesline a été transportée à l’hôpital, sous le regard impuissant de son amie qui a fondu en larmes. « On était censées réviser ce soir-là », se rappelle Claire qui comptait beaucoup sur elle pour la motiver.

De son côté, Guesline explique que c’est la première fois qu’elle s’est sentie aussi dépassée dans les études. Sur recommandation de son médecin traitant, elle se fait suivre actuellement par un neuropsychiatre. « Je suis un traitement anti dépressif pour une période de 28 jours », explique la jeune femme de 32 ans. N’étant pas vaccinée, elle se trouve plutôt malmenée par les restrictions sanitaires. « Je partage ma vie entre les études et les études », décrit la jeune femme qui estime ne pas avoir de vie sociale.

Des chiffres assez inquiétants

Face à l’inquiétante montée des troubles anxieux et dépressifs, le Crous d’Aix-Marseille a mis en place des dispositifs de soutien psychologique dans les différentes résidences. Ainsi, les étudiants peuvent bénéficier d’un accompagnement gratuit. Jugée imparfaite par certains étudiants, cette mesure s’avère utile pour d’autres comme Lude, étudiante haïtienne en troisième année de psychologie à la Faculté de lettres de l’université d’Aix-Marseille. Elle a déjà pris rendez avec l’un des psychologues du Crous. Elle affirme ne pas se sentir bien mentalement, estimant qu’il pourrait s’agir d’une dépression. 

Selon une enquête de l’Observatoire de la vie étudiante publiée en novembre dernier, parmi les étudiants présentant des signes de détresse psychologique, un sur deux est étranger. Ce qui en fait la deuxième catégorie particulièrement fragile de la communauté étudiante. Ces fragilités se traduisent également par leur faible recours  à des structures spécialisées et/ou des professionnels de santé. Sur l’ensemble des 5000 étudiants interrogés, seulement 4% a eu recours aux Bureaux d’aide psychologique universitaire (BAPU) et aux Services de santé universitaire (SSU) au cours des 12 mois précédant l’enquête. Même le  « chèque psy » qui donne droit à huit séances chez un psychologue en libéral sans avance de frais, n’a été utilisé par 2 % d’entre eux.

Nerphalone Saint-Rival