2021 débute avec une prise de conscience collective d’un sujet encore trop peu évoqué : la précarité menstruelle. Dès le printemps, 465 lycées parisiens installeront des distributeurs de protections périodiques gratuites. Un pas vers le modèle écossais, où la gratuité est la règle depuis novembre 2020.

La précarité menstruelle se voit peu, car elle relève d’un sujet trop souvent tabou. Il s’agit pourtant d’une réalité contre laquelle nombre d’associations luttent depuis plusieurs années. Ce phénomène touche les plus jeunes, les plus précaires, les femmes dans la rue, les femmes incarcérées, et d’autres encore. Les distributeurs dans les lycées constituent un premier pas pour lutter le plus tôt possible contre cette précarité.

« Plusieurs fois par semaine, des jeunes filles viennent me voir pour des douleurs au ventre, et parfois certaines viennent pour que je les ‘dépanne’ car leurs amies n’ont pas pu le faire », confie l’infirmière scolaire d’un lycée. « Je sais que les règles sont un sujet qui peut être tabou. Je pense que nous sommes loin de nous douter de l’étendue de la précarité menstruelle. J’espère que cette initiative parisienne prendra de l’ampleur et que l’un de ces distributeurs sera installé dans mon établissement et dans bien d’autres, comme c’est déjà le cas dans certaines universités. »

Le ministre de la Santé, Olivier Véran, et la ministre déléguée à l’Egalité femme-homme, Elisabeth Moreno, ont annoncé que le budget alloué en 2021 pour lutter contre la précarité menstruelle sera porté à cinq millions d’euros, soit cinq fois plus que pour l’année passée. La volonté est de « renforcer le combat mené par les associations pour l’accès de toutes les femmes aux protections périodiques ». Ce fléau touche 1,7 million de femmes selon une enquête Ifop datant de 2017. « Le coût total de toutes les dépenses liées aux menstruations (protections, médicaments, soins) peut aller de 8 000 à 23 000 euros à l’échelle d’une vie », estime un rapport de l’Assemblée Nationale de février 2020. De toute évidence, cela représente une charge financière, que toutes les femmes ne peuvent pas assumer.

L’accès gratuit aux protections déjà en vigueur en Ecosse

Aujourd’hui, un seul pays dans le monde est capable d’apporter une solution à la hauteur de cette problématique. L’Ecosse demeure pionnière en la matière. Depuis novembre 2020, le pays a rendu toutes les protections périodiques gratuites pour toutes les femmes qui en ont besoin. Cette gratuité représente un enjeu majeur dans nos sociétés. Les associations de lutte pour l’égalité homme-femme et les associations pour l’accès aux protections hygiéniques plaident pour suivre l’exemple de l’Ecosse. On estime qu’une Française sur dix ne changerait pas de protection aussi souvent que nécessaire, faute de moyen. Pour la même raison, près de 130 000 adolescentes françaises manqueraient régulièrement l’école (Ifop, 2017). Ce sont donc autant de femmes pour qui les règles représentent un budget important, non sans conséquences sur leur santé, leur vie sociale ou même leur scolarité.

Quand Instagram permet d’informer (malgré la polémique)

A la sortie d’un lycée, Flore, 16 ans, reconnait avoir « pris conscience du problème avec la campagne d’une influenceuse », sur Instagram, fin décembre 2020. Le post du compte My Better Self a été viral avec cette jeune femme, couronne de tampons sur la tête et liasse de billet à la main. L’objectif était simple : pour chaque partage du post en story, le compte, en partenariat avec la marque Nana notamment, s’engageait à offrir une boite de protections à l’association ADSF (Agir pour la santé des femmes). Malgré l’engouement et la solidarité du million de likes et de partages, cette opération a aussi fait ressurgir une polémique. Au-delà d’une pratique commerciale qui serait, selon certains, déguisée, d’autres s’interrogent sur les pratiques de la marque Nana, qui utiliserait du chlore dans ses protections périodiques pour les blanchir.

Lara Dubois