Rencontre avec Manon Bonnet, chargée d’enseignement à la Faculté de droit et de sciences politiques d’Aix Marseille.

Vous sentez vous concernée par les polémiques actuelles ?

Je ne crois pas. En tout cas, pas particulièrement, si ce n’est quelques discussions entre collègues. L’Université française est en crise et nous sommes beaucoup plus impactés par la crise sanitaire et la Loi LPPR que par les polémiques liées à l’islamo-gauchisme. S’agissant des propos de Mme Vidal, ils ont certainement pu paraître malvenus dans une situation où l’université est déjà en crise.

Qu’est-ce que ces propos ont évoqué pour vous ?

De ce que j’en comprends, sans être experte, ce terme définit un mouvement de pensée qui, en voulant défendre certaines minorités, reprendrait à son compte des thèses islamistes. Le tout, se manifestant, d’après la Ministre, sous une forme de prosélytisme au sein de l’université.
Le terme est arrivé récemment dans le débat public et, finalement, le terme renvoie à des idées variables en fonction de la personne qui l’invoque.
Pour ma part, ce n’est pas une idéologie à laquelle j’ai été confrontée. Je n’ai jamais eu la sensation que l’on protège spécifiquement l’Islam ou des thèses islamistes et il me semble important, pour le débat démocratique et pour l’Université en tant qu’institution, d’avoir la possibilité de faire des recherches scientifiques sur tout. Quels que soient les sujets.

Avez-vous déjà eu l’occasion d’évoquer ces sujets en cours ?

S’il est parfois difficile d’évoquer certains sujets en cours, il me semble nécessaire, en tant qu’enseignant, de ne pas créer de tabou autour de certains thèmes. Lors de cours d’introduction au droit sur le campus de Marseille, les rapports entre les différents ordres normatifs, (juridique, moral, religieux…) sont abordés. Mes étudiants ont travaillé spécifiquement sur les Républiques islamiques, donc l’Afghanistan, l’Iraq, l’Iran, ce qui les a intéressés et n’a posé aucune forme de difficultés dès lors que l’on aborde le sujet de manière détachée et scientifique.

J’ai aussi eu l’occasion d’enseigner le lundi suivant les attentats du Bataclan, où je me souviens avoir entendu des discussions très tendues. J’ai en mémoire 2 étudiantes voilées qui avaient été stigmatisées.

Pour moi, ce n’est pas le lieu de l’université, il doit y avoir des débats. En tout état de cause, l’enseignement repose non seulement sur les propos de l’enseignant, mais aussi sur la capacité de jugement de l’étudiant. Il doit savoir, car il est là pour s’instruire, faire la part des choses.

Nicolas Himene