La crise du coronavirus a plongé de nombreux français dans la précarité depuis le premier confinement il y a un an. Ils sont de plus en plus nombreux à avoir besoin des aides proposées par les associations humanitaires pour s’en sortir. Mais ces organisations bénévoles sont, elles aussi, touchées par la crise sanitaire.

 

La demande d’aide ne cesse d’augmenter depuis plusieurs années, mais avec les confinements successifs elle a complètement explosé. « On parle d’une hausse de 25 % de nos demandes d’aide alimentaire » explique Raphaël Sayada, coordinateur de la communication de la Croix-Rouge Française. En 2009, 730 000 personnes bénéficiaient des Banques Alimentaires, aujourd’hui ce nombre est passé à deux millions. « Beaucoup de gens perdent leur emploi et ne parviennent pas à retrouver un travail » détaille Marine Riaudel, chargée de communication de la fédération française des Banques Alimentaires. Mais la précarité atteint également les étudiants comme le rappelle Raphaël Sayada. « Les plus jeunes sont particulièrement touchés, d’abord par la fermeture des bars et restaurants qui permettaient pour beaucoup d’avoir un petit boulot pour boucler les fins de mois. Et ils se retrouvent à taper à la porte de nos centres de distribution alimentaire ». Les associations humanitaires, comme la Croix-Rouge, le Secours Populaire ou les Banques Alimentaires, tentent de répondre à cette forte hausse de la demande, malgré le contexte sanitaire.

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 LE DÉFI DU CONTEXTE SANITAIRE

Le premier confinement a constitué une épreuve pour les associations, il a fallu mettre en place des mesures sanitaires pour poursuivre les activités. « La difficulté au début a été de trouver le matériel pour assurer les règles sanitaires. Et le départ de certains bénévoles a réduit nos effectifs alors qu’on avait besoin de monde » ajoute Marine Riaudel. L’approvisionnement pour la distribution représente un autre problème car la demande augmente. Heureusement la solidarité n’a pas tardé à se mettre en œuvre. « On a récupéré beaucoup de denrées à la suite de la fermeture des restaurants ».

Collecte Nationale organisée par les Banques Alimentaires
(Crédit photo – Ghislène Ghouraïb)

 

Pour les collectes, il a fallu mettre en place des protocoles particuliers et croiser les doigts pour que le grand public continue à donner malgré la peur du virus. Il faut aussi tenir compte des mesures imposées par le gouvernement. « On doit se réorganiser en permanence en fonction des contraintes comme le couvre-feu » insiste Virginie Bursi, chargée de communication pour le Secours Populaire des Bouches-du-Rhône. Sur certains territoires, la Banque Alimentaire a dû reporter la grande collecte nationale à cause de la situation sanitaire locale, comme dans la Loire où la collecte se déroulera finalement le 26 et 27 mars. Toutefois, les collectes n’ont pas été suffisantes pour répondre à cette demande exceptionnelle. « C’est la première année où on a dû acheter des denrées pour faire face à la hausse de la demande » constate Marine Riaudel. Ensuite, pour la distribution, il faut aller au plus près des nouveaux visages de la précarité, comme les étudiants : « Nous avons créé des antennes dans les campus pour la distribution » développe Virginie Bursi.

Pour la Croix-Rouge française, l’engagement dans la crise sanitaire s’est également fait sur le terrain : l’association a participé à des opérations de secours et de transport de malades ainsi qu’au dépistage organisé. « Nous restons aujourd’hui mobilisés pour soutenir la vaccination avec l’ouverture de centres dédiés » ajoute Raphaël Sayada. La crise du coronavirus bouscule également d’autres activités de l’association. « Les formations aux premiers secours ont été impactées du fait de la distanciation sociale. Nous avons développé des modules de formation en e-learning afin de permettre au grand public de continuer à se former ».

LES FRANÇAIS MOBILISES

En France, une grande part des bénévoles a plus de 65 ans. Au vu du contexte sanitaire, une partie d’entre eux a préféré marquer une pause dans leurs activités au sein des associations. « Nous avons donc constaté une baisse dans l’engagement de nos bénévoles les plus âgés » confirme Raphaël Sayada. Mais à l’inverse, de nombreuses personnes ont décidé de s’engager pour aider les autres : « Nous avons assisté, lors du premier confinement, à un véritable déferlement de candidatures spontanées ». Et on parle même d’une augmentation du nombre de jeunes et d’actifs qui ont fait don de leur temps, comme témoigne Virginie Bursi : « on a eu un énorme engagement de la part des jeunes et de personnes qui se sont retrouvés en activité partielle ».

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Beaucoup d’associations ponctuelles se sont créées pour telle ou telle mission et se sont coordonnées avec les Banques Alimentaires. L’UNEF a beaucoup aidé les associations en appelant ses adhérents à participer aux collectes et en servant de relais pour identifier les étudiants en situation d’isolement ou de précarité.

Le grand public a aussi su faire preuve de générosité, comme le raconte Marine Riaudel. « D’habitude on fait peu appel aux dons financiers du grand public mais, cette année, on a créé une plateforme en ligne pour compenser l’absence de collecte dans certaines régions. On a pu servir un million de repas grâce à cette plateforme. On a eu un relais médiatique particulièrement fort cette année, ce qui nous a permis d’avoir des dons en hausse » poursuit Marine. « On assiste à un fort élan de solidarité » confirme Virginie Bursi.

SOUTENIR LES ASSOCIATIONS

On retrouve cette solidarité également sur le plan financier. « Les subventions habituelles de l’Europe et de l’Etat représentent 23% de notre budget » témoigne Marine Riaudel. Pour répondre à l’urgence de la situation, deux subventions exceptionnelles de l’Etat ont été versées aux réseaux d’aides alimentaires. Il y a d’abord eu une première subvention de 39 millions puis une seconde de 55 millions mise en place grâce aux préfets de régions.

Pour la Croix-Rouge, la crise sanitaire a entraîné un arrêt de ses activités secouristes pour les événements culturels et sportifs, coupant ainsi une de ses voies de rémunération. Heureusement, l’association bénéficie d’autres moyens de subsistance. « Le grand public et nos partenaires ont été au rendez-vous et nous ont permis de faire face en soutenant massivement notre association » raconte Raphaël Sayada.

Des campagnes sont également mises en place entre les producteurs et les associations comme l’opération « Bien Manger Pour Tous » en Occitanie. Elle a permis aux producteurs locaux d’écouler leurs stocks et à la Banque Alimentaire de redistribuer les denrées obtenues. De son côté, le Secours Populaire a mis en place de nouvelles actions pour attirer des dons sans risque vis-à-vis de la crise sanitaire : la Tombola Solidaire est entièrement digitale cette année.

« On s’attend à une hausse progressive et continue de la demande, on espère donc toujours avoir du soutien ».

La crise sanitaire a chamboulé l’organisation des associations humanitaires, qui ont dû s’adapter pour poursuivre leurs activités. « On va peut-être revoir notre fonctionnement, on a dû s’adapter à la demande et à la situation : d’habitude on ne fait pas de distribution directe, dans certaines régions on l’a fait » raconte Marine Riaudel. Des adaptations qui ne sont pas près de s’arrêter comme le constate Virginie Bursi. « Ce n’est que le début, ça fait des années que la précarité augmente mais aujourd’hui ça s’accélère. Nous allons avoir de plus en plus de mal à répondre à la demande ». « Les besoins à couvrir restent immenses et l’augmentation de la précarité nous oblige à continuer à multiplier les appels aux dons. » ajoute Raphaël Sayada, qui comme l’ensemble des associations, espère pouvoir encore compter sur le soutien du grand public et de l’État.

Mathilde Gibillino