Pascal Petrozzi, 48 ans, est un incontestable supporter de l’Olympique de Marseille. Il était présent à Munich lors de la finale de la Ligue des champions 1992-1993 entre l’OM et l’AC Milan. Il a accepté de répondre à quelques questions en retraçant le parcours unique du « Boss ». A travers ses réponses, nous avons la chance de revivre avec lui des moments magiques et d’autres, parfois, plus difficiles…

Quel a été votre premier sentiment à l’annonce du décès de Bernard Tapie ?

« Un grand sentiment de tristesse. J’ai vécu les meilleures années de l’OM, notamment sous Bernard Tapie. Cette personne nous a fait rêver et il est irremplaçable. »

De manière générale, quel est votre avis sur son parcours ?

« C’était un homme à tout faire. Il transformait tous les projets en or. Lorsqu’il avait une idée en tête il allait au bout … même si le chemin était semé d’embûches. C’était un vainqueur, il n’a jamais abandonné. »

Quelle est votre réaction face à la méfiance, voir l’hostilité ouverte, qu’il a pu susciter de son vivant ? 

« Je ne comprends pas du tout. C’est de la jalousie. Selon moi, ces personnes ne méritent pas notre attention. »

Considérez-vous Bernard Tapie comme un acteur central de l’histoire de l’OM ?

« Bien sûr. À l’époque, l’OM est arrivé à ce niveau grâce à lui. C’est le plus grand acteur de l’Olympique. En 1986, il reprend l’OM en faillite, et quelques années plus tard, on a gagné la coupe d’Europe. »

D’ailleurs vous étiez à la finale de l’OM en 93, qu’avez-vous ressenti ce soir-là ? 

« C’était plutôt une journée entière de folie. Tout a commencé la veille lorsque je suis parti sur un coup de tête. Dans le train couchette la bonne ambiance était au rendez-vous. Arrivé à 10h à Munich, on a vagabondé dans la ville en festoyant sans s’arrêter toute la journée … c’était grandiose. Le compte à rebours était lancé. La tension était palpable.

Le stade était divisé en deux, d’un côté les Marseillais et de l’autre les Milanais. Avant le coup d’envoi ils ont passé deux musiques, une Italienne et une Française (France Gall – Ella, elle l’a). C’était un match incroyable. La délivrance, un peu avant la mi-temps, grâce à ce superbe but de Basile Boli. Rappelons qu’il avait mal au mollet et qu’il voulait sortir mais Bernard Tapie avait refusé. Coup de maître ou risque inutile … le destin a parlé.

Et ensuite on imagine une fête interminable ? 

Bien sûr, après le match on a célébré jusqu’au bout de la nuit, même dans le train. De retour à Marseille tôt le matin, les festivités étaient d’autant plus fortes. On attendait avec impatience le retour de l’équipe pour soulever la coupe tous ensemble. Un instant de pur bonheur. La fête n’a pas cessé les jours suivants, notamment grâce à la concrétisation une semaine après de l’OM contre le PSG. Grandiose ! »

Que pensez-vous du retrait du titre de champion de France en raison du match contre Valenciennes ?

« Evidemment qu’il a acheté le match. Seulement il faut comprendre que Bernard Tapie avait demandé à la Ligue de reporter cette rencontre étant donné que l’OM, une équipe française, jouait la finale de la Ligue des Champions. Il voulait éviter d’avoir un joueur blessé. La Ligue a refusé … Alors pour éviter tous risques, il s’est arrangé avec quelques joueurs de l’équipe adverse pour qu’ils jouent doucement. Il n’a pas acheté le match pour s’assurer le championnat français, à l’évidence on l’avait déjà gagné. Autrement dit, selon moi, il a voulu entreprendre cette situation légalement, mais la Ligue ne le lui a pas accordé. Alors il s’est débrouillé par lui-même … illégalement. Le retrait du titre n’est pas légitime à mes yeux. »

Que pensez-vous de l’évolution de l’OM ?

« Avant Bernard Tapie, on était en faillite avec Jean Carrieu, l’ancien Président. Il est arrivé en 1986, il a sauvé le club en le hissant sur le toit de l’Europe, au côté de l’AC Milan. Il s’est fait descendre en 1993, ce qui a causé son retrait un an plus tard. À son départ on a été relégué en Ligue 2 et on a eu du mal à revenir. Robert Louis-Dreyfus a fait quelques étincelles par la suite mais cela s’est rapidement atténué. Aujourd’hui, on a encore beaucoup de difficultés. Il est arrivé au bon moment et a saisi sa chance. »

Quelle image gardez-vous de lui ?

« À Marseille on l’appelle le « Boss ». C’était un grand homme. Je suis favorable à l’idée de changer le nom du stade : on devrait l’appeler le stade Tapie Vélodrome. »

Patrick Latrémolière