Hugo Baresi, 27 ans et fromager sur les marchés de Marseille, s’est lancé le défi de vendre ses produits via les réseaux sociaux. En complément des marchés qu’il pratique depuis 5 ans de mardi à dimanche, le pari du numérique lui a permis d’étendre son activité bien au-delà de ses espérances.
En quoi la crise sanitaire a-t-elle impacté votre travail ?
Durant cette période, pas mal de monde a changé son mode de consommation et les consommateurs se sont rapprochés des lignes directes de consommation donc c’est vrai que nous au marché nous n’avons pas été très impactés mis à part durant la fermeture totale en mars dernier.
Je trouve que les gens se sensibilisent davantage à la qualité des produits et surtout les jeunes générations qui viennent de plus en plus au marché.
Avec le premier confinement vous vous êtes tourné vers les réseaux sociaux, pourquoi ?
Mon compte Instagram je le négligeais avant le covid c’est vrai. Cependant, lorsqu’il y a eu les fermetures des marchés je m’en suis beaucoup plus préoccupé. Les réseaux sociaux m’ont permis d’attirer une clientèle beaucoup plus jeune, une clientèle qui ne se déplaçait d’ordinaire pas forcément sur les marchés. Aujourd’hui Instagram, Facebook, Twitter sont des outils de travail super importants qu’on ne peut laisser totalement de côté. Ils me permettent de ramener pas mal de ventes et également de se faire connaître au-delà de mes emplacements aux marchés.
Vous faites notamment appel aux influenceurs pour promouvoir vos produits
Les influenceurs ont de vastes réseaux qui touchent beaucoup de personnes. Cette solution m’a énormément apporté durant le confinement et grâce à toutes les personnes qui les suivent de manières vraiment assidues, j’ai pu toucher une plus grosse clientèle et accroître significativement mon rayonnement. Mes ventes ont aussi pris un immense coup de boost.
Ma clientèle de base est plutôt âgée et n’utilise ou ne maîtrise pas du tout les réseaux sociaux. De ce fait, il m’était extrêmement difficile de les toucher vu que je ne tenais pas de registre avec leurs coordonnées.
J’ai vraiment été surpris de voir à quel point tous les influenceurs avec lesquels je travaille (ex : Bengous, Paga, Carla Moreau) avaient autant d’influence.
Quelles sont vos relations commerciales avec eux ?
Certains sont devenus des amis mais ça a toujours été un échange assez simple. Je leur fournis un petit plateau de fromage et en contrepartie ils me font une petite pub sur leur compte afin de mettre en valeur mon travail et mes produits.
Ils ont toujours été bienveillants et ont toujours répondu présents surtout dans les moments où c’était un peu plus difficile pour moi et pour mon activité.
On peut prendre le cas de François Bonifaci et Chloé Bleinc (@François Bonifaci et @Chloébbbb sur Instagram). François cela fait maintenant quelques années que je le connais, bien avant qu’il se mette en couple avec Chloé. Tous les deux ont une immense communauté, surtout Chloé qui a une communauté à l’échelle internationale de par ses partenariats avec des marques de cosmétique telle que Nocibé. François a une communauté plus modeste mais elle est composée de 30% de personnes habitant Marseille. Du coup grâce à tous ces facteurs j’ai pu gagner encore un peu plus en visibilité dans la ville.
Au vu de la réussite pensez-vous continuer ce procédé ?
Oui, au vu de l’impact que cela a sur un public beaucoup plus élargi je me dois de continuer à le faire. Tous les jeunes qui ne se déplaçaient pas forcément sont maintenant des clients réguliers. Une génération de jeunes qui lorsqu’ils font des apéros, des repas, ne pense pas à venir au marché directement. Là avec le système de livraison sur tout Marseille, ça leur permet de dormir le lendemain de soirée, ils n’ont pas besoin de se lever tôt pour faire le marché et avoir le fromage sur la table (rires).
Je savais que pas mal de jeunes aimaient le fromage mais je ne pensais pas autant. Ils ont énormément de connaissances. Ça me permet d’échanger avec eux, de transmettre ma passion et l’amour que j’ai pour mon travail. Ce qui me fait surtout plaisir c’est de les régaler gustativement parlant avec mes produits.
En parlant de jeunes, vous l’êtes aussi, quel a été votre parcours et comment êtes-vous devenu fromager ?
C’est familial, le père de ma compagne (qui est toujours en activité) faisait les marchés depuis quelques années et m’a enrôlé, j’ai de suite accroché. J’ai toujours aimé le fromage et le contact avec les gens. Il m’a transmis son savoir. Parce que oui je connaissais les fromages traditionnels mais je n’avais pas plus de bagage technique que cela. Savoir différencier les brebis, les vaches, les chèvres, les laits crus, les laits pasteurisés etc.. Donc il m’a enseigné tout son savoir sur le fromage mais également tout le côté vente, le marché, comment bien s’occuper des clients, comment les fidéliser.
Je suis 100% marseillais, j’ai fait toute ma scolarité ici. Après un bac technologique puis des études de droit, j’ai décidé de me lancer pleinement dans les marchés : Sebastopole, Michelet, Montolivet, Merlan et Canebiere. Je n’ai jamais fait de marché ailleurs depuis. Pour en revenir à Montolivet, je suis natif de là-bas et je le fais trois fois par semaine, c’est comme si j’étais à la maison. Je prends toujours un réel plaisir à faire ce que je fais.
Mes producteurs, pour la plupart, sont en France, dans le Jura. Et pour mes produits italiens, je me fais livrer ou alors quand j’en ai le temps et surtout si les mesures sanitaires le permettent, je vais directement sur place.
Malgré le fait que faire les marchés soit une activité très prenante et physiquement contraignante, cela reste tout de même une profession agréable et c’est avec joie que j’accompagnerai, s’il le désire, mon fils dans cette voie. Bon, il n’a que deux ans, il a encore le temps de voir venir (rires), mais je serai là pour le guider comme mon beau-père l’a fait pour moi à l’époque.
Les jeunes générations se sont donc révélées au cours de cette crise sanitaire ?
J’ai été agréablement surpris de voir qu’ils avaient une bonne culture fromage.
Ce qu’ils préfèrent majoritairement ce sont les fromages à la truffe. Et j’ai pas mal de variétés.
Le gouda à la truffe, le Moliterno italien au lait cru de brebis originaire de Potenza qui est le plus connu et le plus goûteux. J’ai aussi le Manchego (fromage de brebis espagnol fait avec du lait de brebis de la race manchega) et bien sûr le brie et le camembert di buffala !
On peut dire que le produit truffé est le produit à la mode en ce moment chez les jeunes générations.
Cette attirance pour les produits truffés peut s’expliquer par leurs prix. La petite quantité de truffe mise à l’intérieur permet de rester sur un produit fini très abordable, et les fromages sont bien parfumés.
Parlez-nous de vos spécialités
Je propose pas mal de fromages de brebis, vaches et chèvres. Sur les français : Comté, Morbier, Saint Nectaire, la tomme de Savoie, les cantals… On a un large panel. Sur les italiens : Pecorino, Moliterno à la truffe, le Gorgonzola et tous les classiques comme le parmesan.
Dans ce contexte économique difficile, qu’est-ce qui vous fait rester sur les marchés ?
Le contact avec les clients, mes habitués aussi et surtout l’amour du métier, des produits et la relation que l’on a avec tous les producteurs et les gens avec qui l’on travaille.
César Ivaldi