Entrer dans le monde du travail en restant chez soi
26 mai 2021
Après plusieurs années à user les bancs de la fac ou de l’école, les jeunes débarquent dans un monde du travail chamboulé. Les quelques chanceux qui parviennent à trouver un emploi télétravaillent et doivent trouver leur place sans jamais rencontrer ni leurs collègues ni leurs supérieurs. 

 

 

Il est 7h50, le réveil sonne. Vous buvez un café, prenez une douche, vous vous brossez les dents et c’est parti, vous êtes au bureau sur la table de la cuisine. Il y a réunion à 8h30, mais personne n’allume sa caméra pour économiser la bande passante. Vous voyez défiler les messages de collègues dont vous n’avez jamais vu le visage. Vous travaillez en autonomie en résistant à la tentation de cliquer sur l’onglet réseaux sociaux. Et malgré tout, vous faites partie des chanceux.

La recherche d’un premier emploi est très anxiogène pour les jeunes, qui sont les plus touchés par la diminution des offres. Un rapport de la DARES a montré que le nombre d’embauches des moins de 26 ans en CDI et CDD de plus de trois mois a ainsi baissé de 14,2% par rapport à 2019. Mathilde Caubel est chef de projet innovations à France Télévision, en alternance depuis octobre 2020 : « On s’est plus mobilisés que d’autres années parce qu’on avait très peur de ne rien trouver. Je mesure ma chance d’avoir eu une réponse positive. Mais ce qu’on ne voit pas, ce sont les 40 candidatures qui sont restées sans réponse. Certains employeurs nous ont même dit qu’ils n’embaucheraient pas d’alternants cette année à cause de la pandémie.

 

« On a l’impression que tout le monde est tout le temps débordé »

 

 

Les jeunes n’aiment pas beaucoup le télétravail. C’est en tout cas ce que montre une enquête WorkAnyWhere® menée par l’entreprise d’études et de conseil sur le bien-être en entreprise ChooseMyCompany. Parmi les 6523 participants interrogés en avril 2020, seuls 62 % des nouveaux entrés dans le monde du travail (0 à 5 ans d’ancienneté) apprécient le télétravail contre 84% de ceux qui ont plus de trente ans d’expérience. Ces néo-diplômés se sentent parfois livrés à eux-mêmes. Pour Mathilde, « C’est plus compliqué de demander de l’aide quand on a une difficulté. On a l’impression que tout le monde est tout le temps débordé ». Le confort de travail n’est pas non plus le même pour les jeunes télétravailleurs, souvent contraints de rester vivre chez leurs parents ou dans un petit logement. La journée est privée de ses repères-horaire : départ et arrivée au bureau, déjeuner avec l’équipe, pause-café. Dans la plupart des témoignages, c’est tout l’à-côté du travail qui manque : les déjeuners, les afterworks qui permettent d’échanger des informations et d’apprendre à connaître ses collègues en dehors de la hiérarchie du travail.

 

Teams, Slack, Whatsapp, Discord, Signal ? Faites votre choix !

 

 

Si s’habituer à l’environnement informatique d’une entreprise fait partie de l’effort d’intégration, le télétravail pousse à la multiplication des outils. Il est très commun de distinguer le logiciel utilisé pour les réunions et les échanges avec le management, et l’outil de discussion plus informel entre collègues, au sein d’un service. « On utilise majoritairement Microsoft Teams parce que France télévision a une licence, mais aussi Slack », énumère Mathilde. « Pour discuter au sein de l’équipe ont utilisait Whatsapp et maintenant, depuis l’évolution de la gestion des données on utilise Signal, ça change selon les différents groupes et les différents servicesSur la conversation Signal, on arrive à parler de choses en dehors du travail ». Difficile de s’y retrouver, certaines habitudes ont été prises pendant les études qui doivent encore changer en arrivant dans l’entreprise.

 

Les ressources humaines ont aussi leur rôle à jouer pour favoriser l’intégration des nouvelles recrues. Mathilde se rappelle : « On a eu le droit à une journée d’intégration des alternants, avec présentation des métiers, quizz, blind test, etc. La RH fait des vrais efforts pour nous intégrer dans l’entreprise. Ils postent chaque semaine sur le réseau interne des « bienvenue » aux nouveaux visages de France Télévisions ». Des choses simples comme activer sa caméra aident aussi beaucoup. « Évidemment dans les grandes réunions il faut couper pour économiser la bande passante. Souvent il faut rappeler aux plus jeunes de couper la vidéo parce qu’on a tendance à la laisser. ». Il est encore trop tôt pour tirer des conséquences réelles de cette période, mais Mathilde reste optimiste : « J’oserai peut-être moins après demander des recommandations ou des contacts, comme j’ai moins pu échanger avec ma supérieure, mais il me reste encore quelques mois de travail pour changer ça ! »