© Agathe Smondack Salvador

L’élection présidentielle approche à grand pas et le salon de l’agriculture a, cette année encore, passionné les Français pour sa cinquante-huitième édition. Pourtant, le sujet du secteur agricole peine à rentrer dans les débats entre candidats. 

En 2017, la rémunération des agriculteurs figurait parmi les priorités du candidat Emmanuel Macron. Cette année, les participants à la course à l’Élysée s’aventurent avec parcimonie sur le terrain de l’agriculture, à l’exception de Nathalie Arthaud. Protectionnisme, baisse des cotisations, réduction des marges de la grande distribution, suppression des aides pour les élevages industriels, redistribution de la Politique Agricole Commune, circuit-court, lutte contre la malbouffe, produits français à la cantine, garantie des prix, ou encore fin des pesticides… Les sujets extrêmement variés et les Français désorientés. À l’occasion de la campagne présidentielle, nous avons interrogé Jean-Marc, agriculteur dans le Gard depuis 32 ans.

Fait-il bon vivre d’être agriculteur en France ? 

« Non, mais il va faire bon vivre. Avec la guerre en Ukraine et le Covid, on va se remettre à produire en France. Je pense que c’est une nécessité. On se rend compte que nous ne sommes plus du tout autonomes. Aujourd’hui, nous importons davantage que ce que nous vendons. Vous verrez que dans quelques temps on nous parlera du bioéthanol parce que nous pouvons le produire. Il est fait à base de betteraves sucrières et de céréales. Les anciens disaient : une guerre permet de remettre l’économie en marche. »

Un sondage Odoxa-Dentsu Consulting révèle que 85% des Français ont une bonne opinion des agriculteurs, pensez-vous qu’ils ont la côte avec leurs compatriotes ?

 « Les gens savent que nous subissons beaucoup de contraintes dans notre pays en plus de celles déjà imposées par l’Union européenne. Mais on mange plus sain en France qu’à l’étranger et nos citoyens le savent. Je pense que c’est la source de leur bienveillance ».

Pensez-vous que l’élection présidentielle constitue un enjeu majeur pour l’agriculture ?

« Il n’y a pas un seul programme des principaux candidats qui traite du sujet sur le fond, à part Jean Lassalle. C’est le seul qui en parle, puisqu’il a lui même vécu dans le monde rural. Je pense que notre secteur veut de vraies décisions, pas juste qu’on parle de notre retraite. Quoiqu’il en soit, les candidats doivent cesser de délaisser l’agriculture sous prétexte que l’Union dicte une bonne partie des règles.  »

Le salon de l’agriculture permet au monde politique de prendre le pouls du secteur. Il est également l’un des événements préféré des Français. Comprenez-vous l’entrain autour du rendez-vous ?

 « On a créé le salon pour récompenser les producteurs. Ça les rapproche de leurs racines. Il y a des enfants qui ne savent plus comment est produit le lait, ni comment poussent les légumes. L’humanité découle du monde rural. Ce sont des choses qui ne s’apprennent plus. Sans agriculture il n’y a pas de vie, je pense que les Français en sont conscients ».

Sept Français sur dix sont persuadés que la politique agricole de l’Union européenne joue un rôle négatif pour les agriculteurs français. Les ruraux sont encore plus sévères sur l’Europe. À quoi cela peut être dû selon vous ? 

 « On ne parle pas des agriculteurs au niveau national parce que c’est géré par l’Union européenne. La Politique Agricole Commune (PAC) pose énormément de contraintes et une surveillance intense en échange des subventions qu’elle accorde. C’est un faux cadeau. Et en France, on en rajoute encore plus. En Espagne par exemple, ils disposent des mêmes contraintes au niveau européen mais elles sont allégées au niveau national. Ils peuvent produire plus parce qu’ils ont le droit d’utiliser des produits plus performants et plus rentables qui sont interdits chez nous. D’un autre côté, on a toujours su exploiter en quantité et de bonne qualité mais on n’a jamais su vendre. On s’en est toujours remis soit à des négociants soit à des acheteurs qui mettent des marges faramineuses. Ces derniers font le marché dans toutes les productions. La PAC est un coup de pouce pour produire uniquement ce dont on a besoin. En France, sans subventions, l’agriculture serait morte. »

Pensez-vous que les événements récents ont déstabilisé le secteur agricole au niveau européen ? 

« Je pense que ça concorde bien avec les déclarations du Président qui annonce vouloir désormais produire plus. Cette déclaration va à l’encontre de la politique Farm to Fork de l’Union européenne qui prévoyait une diminution de la production de 13 %. Devenir plus indépendant, ça risque de déstabiliser le marché intérieur. Il existe une forme de solidarité pour que chaque pays puisse produire suffisamment afin que son agriculture soit prospère. La déclaration du Président risque d’envenimer nos relations agricoles avec l’Union. Les dès sont de nouveau jetés ».

Agathe Smondack Salvador