© Tessa Jupon
Lors du premier tour de l’élection présidentielle de 2017, plus de 500 000 Français de l’étranger ont exprimé leur voix. Ils représentent 1,5% des suffrages. Au second tour, 93% d’entre eux avaient voté pour Emmanuel Macron. À moins de 70 jours du premier tour, trois expatriés d’âges et de pays différents ont accepté de livrer leur vision de l’actualité politique nationale qui agite la métropole.
Les Français de l’étranger sont de plus en plus nombreux à voter. Au 1er janvier 2022, on compte plus de 1,6 million d'expatriés inscrits au registre des Français établis hors de France. Selon les chiffres du ministère des Affaires étrangères, le nombre d’électeurs sur les listes consulaires ne cesse d’augmenter. La liste s’établit désormais à près de 1,5 million d’électeurs. Pour voter depuis leur pays de résidence en avril prochain, ils devront être inscrits sur une liste consulaire au plus tard le 4 mars 2022.
Des conclusions contrastées sur le mandat du président français
La dernière enquête réalisée par le ministère des Affaires étrangères en janvier 2022, révèle que 49% de la communauté française à l’étranger est installée en Europe, 19% se trouvent dans les Amériques, 15% se situent en Afrique du Nord ou au Moyen-Orient, et près de 8% ont choisi l’Asie-Océanie. Les expatriés de ces différents continents ont un avis divergent sur le bilan du quinquennat d’Emmanuel Macron. Pour Michel Lomé, 57 ans et résident à Cotonou (Bénin), « Le Président n’a pas réussi à tenir ses engagements. Il a préféré favoriser les lobbies plutôt que de lutter efficacement contre le dérèglement climatique. Il a favorisé systématiquement les banques et les actionnaires au détriment des salariés ». Expatrié depuis sept ans, il dénonce également un « mépris total de la part du Président pour les classes moyennes et les Français qui ont besoin d’un travail rémunéré pour vivre ». Clémence Sauvaget, 20 ans et étudiante à HEC Montréal depuis trois ans, a un avis moins tranché sur les décisions du Gouvernement même si les mesures prises pendant la crise sanitaire ne l’ont pas épargnée. La jeune femme met en avant les multiples défis auxquels Emmanuel Macron a dû faire face pendant son quinquennat. « L’affaire Benalla, les gilets jaunes et le Covid-19 sont des événements exceptionnels. Je ne valide pas toutes les décisions du Président mais on est beaucoup moins dans l’extrémisme que si Marine Le Pen avait été au pouvoir ». Certains ont été affectés par les mesures sanitaires. C’est notamment le cas de Clémence qui s’est retrouvée bloquée au Canada sans logement. « En tant qu’expat, c’était très compliqué. Mon contrat locatif se terminait et je ne pouvais pas rentrer en France ». Elle dénonce une prise en charge trop tardive des rapatriements des Français et un manque important de transmission d’informations. À Singapour, l’opinion de la communauté des expatriés semble être en faveur du Président même si le candidat du parti « Reconquête », Eric Zemmour, a trouvé des adhérents. Rémy Lefevre, 50 ans et expatrié à Singapour depuis cinq ans, explique qu' « Emmanuel Macron est très apprécié ici, il est libéral. Les Français à Singapour ont de bonnes professions donc Macron est populaire. Même s’il faut savoir que Zemmour a une forme de popularité croissante ici et que les gens ne s’en cachent pas ».
Une conception différente du vote
Les chiffres du ministère des Affaires étrangères avaient révélé que le taux d’abstention au premier tour de l’élection présidentielle de 2017 était de 56%. Il pourrait encore s’élever lors de la prochaine présidentielle, d’après les résultats d’un sondage réalisé par l’entreprise française Odoxa en partenariat avec Backone Consulting, le 14 janvier dernier. Mais sur la question du vote, les expatriés interrogés n’ont pas le même ressenti. Pour Michel, le vote n’a pas d’influence. « Je suis inscrit sur la liste électorale consulaire au Bénin mais je n’ai pas voté depuis l’élection de Sarkozy. Je refuse de participer à ce que je considère comme un simulacre de démocratie », se révolte-t-il. Pour ce professeur de mathématiques, le vote blanc pourrait permettre d’éviter une nouvelle chute du taux de participation. « Je voterai au premier tour mais sûrement pas au second, car les bulletins blancs ne comptent pas… », regrette-t-il. En France, depuis la loi du 21 février 2014, les votes blancs sont comptabilisés de manière séparés des votes nuls mais ne sont pas pris en compte dans les suffrages exprimés. Il ne peuvent donc pas avoir d’incidence sur les seuils électoraux. Mais si leur nombre est important, la signification politique peut être alarmante. Une vision que Rémy Lefevre ne partage pas. Selon lui, sa communauté de la cité-Etat au large de la Malaisie a un poids important. Voter aux élections françaises ? Pour lui la question ne se pose pas. « Je vote tout le temps, l’organisation à l’ambassade est bien ficelée même si l’inscription sur les listes est compliquée. Mais quand il y a des élections, les gens sont contents de voter pour profiter de cet atout. C’est une façon de rester Français. Tous les gens autour de moi votent, le taux de participation est élevé à Singapour ». Pour Clémence, voter au prochaine présidentielle est un acte important pour une raison précise et inédite. « Depuis que Zemmour a annoncé sa candidature, je me suis vraiment réintéressée à la politique en France. Pour moi, il est inconcevable qu’il puisse arriver au pouvoir mais je ne suis pas craintive à l’idée qu’il puisse gagner. Dans tous les cas, j’apporterai ma voix pour éviter qu’il soit élu ». Clémence espère que son prochain Président réussira à inclure davantage les expatriés dans ses décisions. Il ne reste plus qu’à attendre avril prochain pour voir si les expatriés donneront une nouvelle fois leurs voix à Emmanuel Macron.
Tessa Jupon