Le 19 octobre, la première partie du projet de loi de finances pour 2023 a été adoptée. Mais elle ne l’a pas été dans des conditions habituelles. Pour y parvenir, le gouvernement a eu recours à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution. Valentin Mestre, collaborateur parlementaire de la députée aixoise Renaissance Anne-Laurence Petel, revient sur les tensions entourant ce vote.
Pour la 89e fois sous la Ve République, le gouvernement a utilisé l’article 49 alinéa 3 de la Constitution pour engager sa responsabilité sur un projet de loi. Depuis la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008, le texte ne peut être utilisé qu’une fois par session parlementaire, à l’exception des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale. Le projet n’est alors plus soumis au vote et est considéré comme adopté, sauf si une motion de censure est déposée et votée. Dans ce cas, le gouvernement est renversé.
Pour autant, il s’agit de la première utilisation de ce texte par le gouvernement Borne. Un choix risqué. Aujourd’hui, le pays se trouve dans un contexte de crise sociale important et remet en cause les institutions. La dernière fois que l’exécutif s’en est servi, François Hollande était à la tête de l’Etat. Son Premier ministre de l’époque, Manuel Valls, l’avait utilisé pour faire passer les lois Macron, en 2015, et El Khomri, relative au travail, un an plus tard.
« Le pays a besoin d’un budget », affirme Valentin Mestre. Il reprend les mots qui ont été prononcés par la Première ministre Élisabeth Borne le 19 octobre devant l’Assemblée nationale. Il restait en effet plus de 1000 amendements à étudier avant minuit. Considérant qu’il serait impossible de tenir ce délai, le Conseil des ministres avait autorisé le lancement de la procédure. Le collaborateur explique que le gouvernement n’a pas changé de position depuis l’ouverture des débats le 10 octobre : « il a fait le maximum pour tenir une méthode de dialogue et de compromis ». Selon lui, il n’y avait pas d’autre scénario possible, car l’opposition avait décidé de faire barrage au PLF : « elle a affirmé dès le début qu’elle ne voterait pas le texte, elle s’est mise elle-même dans une situation de blocage. »
L’utilisation de ce procédé a été rejetée par de nombreux partis d’opposition. Parmi eux, La France Insoumise qui a déposé une motion de censure dès le 19 octobre, suivi de près par le Rassemblement National. Chacun a affirmé ne pas vouloir voter la motion de l’autre. Ils se sont cependant entendus sur un point et ont constaté l’échec de l’État en dénonçant « une honte pour la France ».
Valentin Mestre défend le gouvernement qui, selon lui, n’a jamais abandonné la démocratie, que ce soit lors des débats ou lorsqu’il a utilisé l’article 49 alinéa 3 : « il y a quand même eu 100 amendements retenus, ce qui montre qu’Élisabeth Borne a pris en compte les demandes de l’opposition ». Le procédé démocratique n’aurait donc pas été remis en cause… Pour autant il l’avoue : « l’article 49 alinéa 3 n’est pas un outil vu positivement. » Il est possible que son utilisation impacte l’image que les Français ont de l’État. Pour lui, il faut donc être dans une démarche explicative, par rapport à cette procédure en elle-même mais aussi par rapport à ce qu’elle apporte pour le PLF, car il s’agit d’un « budget solide qui répond aux besoins de la population. »
Au lendemain de l’adoption de la première partie du projet de loi de finances pour 2023, la procédure a pourtant de nouveau été mise en œuvre pour le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Comme une deuxième « exception » consécutive…