Plus jeune conseiller régional de France lors de son élection en 2015, Ludovic Perney (Les Républicains) a appris, comme tous les élus territoriaux, que les prochaines élections pourraient être déplacées de quelques mois. Objectif : permettre au gouvernement de mieux s’organiser afin de préparer les scrutins (départementales et régionales) en temps de crise sanitaire. Pour celui qui a vécu l’interruption des élections municipales en tant que candidat à Marseille, à seulement 24 ans, cette période de réflexion doit-être l’occasion de se renouveler et de proposer de nouvelles solutions pour faire progresser la démocratie.
Rédaction JCO : Quel est votre avis sur la proposition du gouvernement après la publication du rapport Debré sur la proposition report des élections régionales et départementales ?
Ludovic Perney : En soi, si l’on part sur un report des élections au mois de juin alors qu’elles étaient initialement prévues au mois de mars, ça ne change pas grand-chose. Ça serait l’occasion de permettre à l’ensemble des acteurs de s’organiser pendant cette période compliquée et ne pas se retrouver pris au dépourvu. En revanche, il ne faudrait pas que l’on dépasse ce « délai » du mois de juin. Il ne faudrait pas qu’en plus d’une crise économique, sanitaire et sociale, le gouvernement se retrouve avec une crise politique d’ampleur, en plus des autres.
Justement, que pensez-vous de ceux qui accusent le gouvernement « d’instrumentaliser » la crise à des fins électorales ?
Je trouve cela un peu exagéré. Dans les faits, ça ne changera rien pour le parti présidentiel de déplacer des élections en mars ou en juin sur le calendrier politique. En revanche, je maintiens qu’il ne faut pas que ce report éventuel soit exagéré. Si c’est pour repousser les Régionales après les élections présidentielles, il faut appliquer le principe de proportionnalité. Le principe d’adéquation des moyens à un but recherché. C’est-à-dire qu’on ne peut pas reporter les élections régionales après les élections présidentielles. Et surtout, pourquoi pourrait-on aller aux urnes pour élire un Président, mais pas nos représentants locaux ? Cela n’aurait pas de sens.
A l’échelle régionale, considérez-vous qu’il existe une alternative ?
Le président de la Région Sud PACA, Renaud Muselier, a été informé et consulté par la commission. Tout d’abord en tant que président de Région, mais aussi en tant que président des Régions de France, le rapport Debré a été rendre à la suite de la concertation avec les élus locaux. Cette réunion a été l’occasion pour les représentants de faire valoir leurs arguments.
Vous êtes conseiller régional, mais vous avez aussi connu les inconvénients d’une campagne électorale en période de pandémie lors des dernières élections municipales, que retenez-vous de cette période ?
Nous avons subi une forte abstention, et je ne peux que comprendre les électeurs. La veille au soir, le Premier ministre explique aux gens qu’il ne faut plus sortir de chez soi, que le virus tue et qu’on ne sait pas comment l’arrêter. Ça a créé une vague de panique, les gens ont eu peur, mais on les a appelé à voter le lendemain, c’était un contresens.
Ne pas pouvoir faire campagne sur le terrain au second tour vous a-t-il affecté ?
Quand on s’engage pour la chose publique, on s’engage dans une relation de confiance avec les électeurs et les citoyens. Ils votent pour un homme ou une femme, et il faut qu’ils puissent échanger avec lui, le rencontrer, apprendre à le connaître. Aujourd’hui, il est clair qu’on ne peut plus le faire. Organiser des meetings, des rencontres, tracter, c’est inimaginable.
Lorsque l’on voit les polémiques autour des élections aux États-Unis, pensez-vous qu’il est possible d’innover ?
Chez nous aussi, le droit doit évoluer, mais pas forcément avec le vote par correspondance. Je pense en effet que le risque de fraudes électorales et de polémiques demeure trop important. En revanche, il est possible de faire évoluer la loi pour les campagnes.
Comment ?
S’il est difficile d’aller tracter, ce qui est la base d’une campagne, avec les risques sanitaires que cela comporte, pourquoi ne pas autoriser la publicité payante sur les réseaux sociaux ? Aujourd’hui, promouvoir ses publications sur les réseaux sociaux est interdit six mois avant les élections. Tout en plafonnant et en encadrant la pratique, c’est une piste de réflexion.
Lorsque la crise sera terminée, on pourra reprendre des campagnes de terrain, aller faire du porte-à-porte, tracter et avoir des relations sociales plutôt que de « voir » les gens à travers un ordinateur.
Léo Khozian