©Vincent Giely
Vendredi 10 novembre, la plateforme Netflix a mis en ligne son nouveau film, The Killer. La barre était haute : après les très grands succès Fight Club, Seven ou encore Zodiac, le public attendait la dernière production de David Fincher au tournant!
Initialement lancé à la fin des années 2000, le projet d’adaptation du roman graphique français Le tueur a occupé David Fincher pendant quelque temps. Il a ainsi fait la connaissance du scénariste et créateur de la série d’ouvrages Alexis Nolent, dit Matz. Si le film ne s’est finalement pas fait, les deux artistes ont continué à entretenir de bonnes relations, et David Fincher n’a pas perdu de vue l’idée d’y revenir. Il a donc fallu attendre 2021 et le contrat d’exclusivité du cinéaste avec le géant Netflix, pour que The Killer refasse surface. Grâce aux bons soins de la plateforme qui cherchait à obtenir une crédibilité artistique, David Fincher a enfin réussi à mobiliser l’imposante somme de 175 millions de dollars. Somme qu’il n’aurait jamais pu obtenir d’un studio traditionnel, pour donner forme à ce récit que l’on pourrait qualifier de simple série B.
Le film se déroule en six chapitres : après un contrat raté évité de justesse, un tueur se bat contre ses employeurs et lui-même dans une chasse à l’homme à travers le monde qui, dit-il, n’a rien de personnelle. Trois ans après le film biographique Mank (également sorti sur Netflix), David Fincher adapte ici la bande dessinée éponyme des Français Matz et Luc Jacamon. Le tout dans une œuvre résolument “fincherienne”, traversée par ses thèmes de prédilection : voyeurisme, perversion et déshumanisation de la société. Le réalisateur s’empare du sous-genre tueur et l’épure à son maximum pour livrer un récit abrupt et radical, qui rappelle le célèbre film Hitman de Xavier Gens, en suivant le quotidien d’un tueur obsédé par le contrôle.
Un bilan mitigé pour la nouvelle production
C’est à tous égards « de la belle ouvrage », mais cela ne renverse jamais ni ne prend aux tripes, contrairement aux autres films mentionnés. De nombreuses séquences tendues défilent, expertement mises en scène, mais il n’est point de vrais morceaux de bravoure visuels. Le prologue annonce pourtant un cru supérieur. Avec une alternance de plans larges et de gros plans de face et de profil de Fassbender, Fincher montre son antihéros au travail. Les réflexions du personnage de Michael Fassbender agissent comme la narration d’Edward Norton dans Fight Club, à la différence que celle-ci était grinçante et comique. La variation de 2023 est pour sa part un brin pompeuse et monotone. Si la suite s’avère impeccable, elle n’est, pas aussi mémorable qu’elle aurait dû – ou pu – l’être. C’est un peu comme si Fincher avait voulu coller son approche formelle au tempérament du protagoniste, qui se répète comme un mantra de « ne pas dévier du plan ». Malgré quelques surprises et imprévus bienvenus, c’est très calculé et, surtout, très lisse. Le film est porté par un Michaël Fassbender glaçant dans une ambiance sombre. The Killer est d’une redoutable efficacité pendant plus de la moitié de sa durée. Las, le film n’échappe pas aux limites de sa proposition extrême et finit par manquer d’une certaine dimension organique.
Ce film saura diviser le public. D’un côté ses partisans lassés du cynisme de son cinéma. De l’autre, ceux qui prendront un réel plaisir à se délecter d’un des plus brillants cinéastes de sa génération. Sans être l’une des œuvres les plus révolutionnaires de David Fincher, The Killer est un thriller brillant et brutal, sorte de film-somme du réalisateur. Un bel objet un peu excluant, qui n’en est pas moins fascinant.
Vincent Giely