Le harcèlement scolaire est devenu la priorité de rentrée du ministère de l’Éducation nationale. Le ministre Gabriel Attal souhaite renforcer les dispositifs de lutte. Le 12 septembre, il a annoncé vouloir mettre en place des « cours d’empathie », à l’instar des Danois. Une méthode déjà testée par la Collectivité européenne d’Alsace.
La question du harcèlement scolaire peut-elle se régler par l’empathie ? Le 12 septembre, le ministre de l’Éducation nationale Gabriel Attal avait annoncé son intention de se rendre dans les pays nordiques pour y observer des « cours d’empathie ». Une bonne solution ? La Collectivité européenne d’Alsace (fusion entre les départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin) teste cette méthode dans les collèges depuis déjà quatre ans par l’intermédiaire de son outil pédagogique « Bête Noire ».
Le service jeunesse de la Collectivité européenne d’Alsace a imaginé cet outil basé sur le jeu de rôle pour sensibiliser les collégiens. « Dans le cadre du harcèlement on a voulu jouer la carte de l’empathie », commence Pascaline Tripard, développeuse du projet. À travers ce jeu, plusieurs questions sont abordées : « que ressent la victime moquée à longueur de journée ? Quelles sont les motivations du harceleur ? Quel rôle les témoins doivent tenir ? »
« Comprendre comment le harcèlement s’installe, responsabiliser chacun face au harcèlement et « redonner confiance à la victime », les objectifs de ce jeu à destination des jeunes de 10 à 15 ans sont clairs. Ils seront remplis à travers onze situations initiales allant du harcèlement physique au cyber-harcèlement en passant par les harcèlements moraux et sexuels en fonction des âges.
« Travailler sur l’empathie c’est une bonne chose mais ça ne suffit pas », nuance Pascaline Tripard. Le service jeunesse a récemment développé un nouvel outil pédagogique, « qui suis-je ? », pour travailler sur l’estime de soi. « C’est ce qui permet de renforcer son système contre toute attaque extérieure », soutient-elle.
Ces actions de prévention réalisées dans les 150 collèges de la collectivité ne représentent qu’une poignée d’heures. Une intervention par classe pour la « Bête Noire » et trois de deux heures pour « qui suis-je ». Pascaline Tripard a conscience que « ce n’est pas une seule intervention de prévention qui va changer la donne mais c’est extrêmement important car plus on parle, plus ça fait avancer la question. C’est en fait un collectif d’interventions qui permettra de changer la donne ».
Une médiation par les pairs
Pour mettre en place ces projets, la collectivité de communes a fait appel à des jeunes en service civique. « Avant, nous accueillions quatre jeunes pour animer la Bête Noire. Aujourd’hui, nous déléguons le projet à l’association Unis-Cité, une association qui se dit « experte et pionnière du Service Civique, partenaire privilégié de l’Etat et des collectivités ». Avant de transmettre le programme, la collectivité va former plus de 35 volontaires à partir du mois d’octobre pour les rendre opérationnels en janvier. Une formation à ne pas prendre à la légère selon la développeuse de projet. « Ce sont des thématiques sensibles donc il faut vraiment pouvoir les accompagner. Il y a un grand enjeu ».
Pascaline Tripard est convaincue que se faire former par des jeunes de 18 à 25 ans permet aux collégiens de libérer leur parole. « La médiation par les pairs fonctionne mieux que lorsque nous intervenons nous-mêmes », constate-t-elle. « Ils ont les mêmes codes, les mêmes références, les mêmes façons d’interagir et donc une certaine proximité. Une relation de confiance s’installe plus rapidement et on s’aperçoit que les élèves victimes de harcèlement vont plus facilement parler de leur situation », poursuit-elle.
Aliénor Lefèvre