Entraineur de football dans le Vaucluse pendant plus de quinze ans, Cédric Luongo est parti exercer en 2018 au Vietnam, dans une académie qui forme les jeunes footballeurs. Cette expérience professionnelle et humaine lui a redonné le frisson de transmettre.
Torse nu, les cheveux longs détachés, Cédric Luongo exhibe son mètre quatre-vingt au bord de sa piscine. L'homme dégage une présence physique évidente qui impressionne tout de suite au premier abord. En ce mois de juillet 2017, un soleil de plomb surchauffe Vedène, petite ville de la commune d'Avignon. Pour une fois, l'ancien entraineur du S.C Couthézon et de l'US Pontet n'est pas attablé à son bureau, situé au premier étage de sa maison. Il n'a pas les yeux rivés sur son ordinateur, à disséquer les derniers résultats du championnat amateur de la région.
Depuis quelques mois, Cédric Luongo, né à La Ciotat, a le sentiment d'étouffer dans son propre pays, plus de perspectives, plus d'envies, il ne se reconnaît plus dans le football français d'aujourd'hui. Le monde du football même en amateur est tout sauf un long fleuve tranquille. Quinze années à subir les guerres internes dans les clubs, les tensions avec les dirigeants, le manque de moyen, d'infrastructures... Cédric se sent épuisé, vide. Le besoin de changer d'air pour respirer à nouveau lui donne une envie d'exil.
Faire grandir la culture footbalistique au Vietnam !
Cette idée, ne vient pas seule. Après avoir entrainé dans plusieurs clubs dans la région d'Avignon, l'homme de 46 ans est choisi pour tenter une aventure à l'étranger...
Il va intégrer une équipe d'entraineurs au sein d'une nouvelle académie professionnelle au Vietnam : « Depuis plusieurs semaines, j'y réfléchissais mais tout s'est accéléré avec le coup de fil de mon ami l’entraîneur Olivier Rousset, précise Cédric. Il m'a parlé d'un projet au Vietnam avec l'objectif de promouvoir le football de masse».
Septembre 2018, tout s'accélère, c'est le départ. Cap sur Hanoi où le conglomérat privé VinGroup a pris le parti d'ouvrir une académie dédiée au football, et plus précisément à la formation des jeunes vietnamiens. Un projet ambitieux porté par la Fédération vietnamienne de football. L’objectif est clair : permettre au Vietnam d'avoir une équipe compétitive pour la coupe du monde 2026. « Le Vietnam n'est pas un pays qui a la culture du football. Ce sport n'est pas ancré dans les pratiques locales. Il fallait rendre attrayant, donner du plaisir aux jeunes », détaille l'entraineur d'Avignon.
Pour faire face à cet objectif colossal, les deux entraineurs du sud de la France sont pas seuls. Ils sont encadrés par des professionnels reconnus mondialement, dont Philippe Troussier, ancien entraineur de l'Olympique de Marseille et sélectionneur du Japon. Il encadre la section « formation des jeunes talents ». Cédric va côtoyer cet homme d’expérience : « Ca été un honneur, il est très exigeant et rigoureux. C’est un entraineur avec des méthodes particulières mais très efficaces. J'ai aimé travailler avec lui », ajoute t-il au sujet de cette année de collaboration.
Pendant deux ans, Cédric s'épanouit en assistant son acolyte, Olivier Rousset. Ensemble, ils entrainent toutes les équipes de jeunes dans les catégories qui vont des U10 aux U15. Au contact de ces jeunes, l'Avignonnais retrouve le plaisir d’entrainer : « C'était fantastique ! Ces gamins sont tellement polis et à l'écoute, désireux d'apprendre. J'ai pu retrouver mes sensations de début de carrière, le plaisir simple d'enseigner à faire une passe, à se déplacer dans l'espace », décrit Cédric. L’année est couronnée de succès pour le tandem Luongo/Rousset qui voit leurs équipes remporter plusieurs compétitions régionales et nationales.
Un renouveau à travers le voyage et la découverte !
Un an consacré à la formation, puis c'est le grand saut. Philippe Troussier décide de déplacer Cédric dans la section « détection ».
L'ancien sélectionneur du Qatar est persuadé que l'entraineur avignonnais avec sa vision aiguisée du football et son appétence à repérer les jeunes talents sera parfait dans ce rôle.
La tâche est ardue mais ne se refuse pas : « J'ai beaucoup hésité au début, confie Cédric. Pouvoir découvrir encore plus ce pays si riche, et exercer pour la première fois le travail de recruteur, je me suis dis que j'étais parti de France pour vivre ce genre d'expérience ». Durant cette année et demie, son nouveau poste le mène au nord, dans la région montagneuse de Tâm Dào, au cœur des Alpes tonkinoises. Il se rend dans la commune de Hop Chau, au milieu des montagnes, et près du Fleuve Rouge. Dans ces paysages verdoyants, Cédric retrouve un air pur dont il avait oublié la saveur.
Cette expatriation se transforme en renaissance. Elle s'opère en lui à tous les niveaux. « Avant de partir, je me suis beaucoup documenté sur l'expatriation, l'intégration dans une nouvelle culture, j'ai suivi une psychothérapie, je voulais arriver bien dans ma tête et dans mon corps ». Au cours de ses premiers mois passés au Vietnam, il perd 20 kg superflus. Il visite le plus possible sa terre d'accueil : « Je voulais m'imprégner des différences culturelles, de leurs langages, de leurs codes. J'ai cherché à aller dans des petits villages où on ressent le Vietnam véritable. J'ai rencontré des gens bons, pauvres, mais qui offrent tout ce qu'ils ont. Ils ont une grandeur d’âme incomparable », se souvient-il.
Seule ombre au tableau sur ces premiers mois d'exil, l'éloignement familial. Au moment du choix de tenter l'aventure à l'étranger, seul ce point important sème le doute dans l'esprit de Cédric. Un sacrifice difficile tant le clan autour de l'homme de 46 ans est primordial.
Une aventure solitaire qui devient familiale !
Avec l’expatriation, il laisse derrière lui sa femme Pénélope et ses deux enfants, Yann, 21 ans et Nina, 15 ans. Le départ n’a été possible que parce que ce père de famille peut compter sur le soutien sans failles des siens : « Je savais que ça serait compliqué, mais je voulais le meilleur pour lui, indique sa femme Pénélope. Il ne s'épanouissait plus ici, et je voulais le voir de nouveau prendre du plaisir dans son métier ».
La première année, malgré les réussites qu'il rencontre et le soutien de son ami Olivier Rousset, Cédric Luongo souffre d'être aussi loin de sa femme et ses enfants. Les appels vidéo quotidiens ne suffisent pas à combler le manque : « Nous ne nous étions jamais retrouvés aussi loin, aussi longtemps,se souvient-il. C'était frustrant de vivre toutes ces choses merveilleuses sans eux ». Après le renouvellement de son contrat, sa femme Pénélope et sa fille Nina viennent vivre avec Cédric.
Une décision nécessaire qui a nécessité toute une organisation : « Cela a été un grand bouleversement. J'ai eu la chance de trouver un travail dans ma branche, à Hanoi. Nous avons inscrit notre fille Nina au lycée français », confie la mère de famille, assistante sociale en France. Seul leur fils Yann, en plein BTS immobilier, reste à Avignon. Il s'occupe de garder la demeure familiale et vit sans ses parents ni sa sœur : « Yann a souffert de notre éloignement, mais je pense que ça l'a fait grandir. C'est un homme maintenant », souligne son père.
La nouvelle aventure familiale est pleine de découvertes et de rencontres. « Elles sont arrivées au début de mes missions de détection. Quand c’était possible, Pénélope et moi partions en déplacements dans le pays. Nina s'est vite acclimatée à la vie vietnamienne, c'était top ! », se rappelle Cédric.
Cette expérience unique prend fin juin 2021, avec pour principale raison, la crise sanitaire du Covid-19. Préservé jusque-là, le Vietnam subit dès début 2021 une vague pandémique très violente qui plonge le pays entier dans l'inquiétude et l'incertitude.
La suite du projet de l'académie est mis en stand-by, après de longues discussions, la décision est inévitable : il faut rentrer en France. Non sans un pincement au cœur mais sans regrets : « Cette expérience de vie m'a transformé pour toujours. »
« Je serai éternellement reconnaissant envers le Vietnam »
« J'ai eu la chance de travailler avec des pointures du métier et surtout rencontrer un peuple fantastique et bienveillant. Je serai éternellement reconnaissant envers le Vietnam », confie Cédric.
De retour à Avignon, la famille reprend petit à petit ses repères, retrouve ses amis et son environnement. Cédric le sait au fond de lui, il ne voit pas la suite de sa vie ici. Après avoir goûté à la joie de se réinventer ailleurs, l'ancrage à un endroit n'est plus possible. « Je n'attendais qu’une chose : une nouvelle proposition à l'étranger », confesse t-il. Un souhait vite exaucé, puisque l'entraineur vient de s'envoler pour l'Algérie pour travailler avec la Fédération algérienne dans le cadre de la formation des jeunes joueurs. Une aventure naissante, une conquête de nouveaux territoires, de nouvelles rencontres pour se nourrir d'un autre pays, d'une autre culture. C'est bien là le moteur de Cédric Luongo, découvrir pour avancer, découvrir pour respirer.