Pour la 87ème fois depuis 1958, l’article 49 alinéa 3 de la Constitution est utilisé pour faire adopter un projet de loi sans vote des parlementaires. Retour sur les origines de cet article et son utilisation au fil de la Vème République.

La dernière année bissextile remontait à 2016, comme la dernière utilisation du « 49.3 ». Hasard du calendrier : l’annonce de son recours par le premier ministre Edouard Philippe s’est faite un 29 février. « Coup de force » pour les uns, « procédé fourbe » pour les autres. Une fois de plus, les réactions indignées face au « 49.3 » fusent de la gauche comme de la droite, à l’image des deux motions de censure déposées lundi. Depuis 1958, le 49.3 a été dégainé 87 fois, au grand dam des oppositions.

« Le 49.3 s’inscrit dans le cadre du parlementarisme rationalisé »

Pour Priscillia Jensel-Monge, maître de conférence en droit public à l’université d’Aix-Marseille, le 49.3 s’inscrit : « dans le cadre du parlementarisme rationalisé, l’objectif  était à l’époque pour un gouvernement sans majorité de faire passer un texte en force en engageant sa responsabilité ». En 1958, l’idée des principaux élaborateurs de la Constitution de la Vème République, Michel Debré et De Gaulle, était d’aller à l’encontre des IIIème et IVème. Ces dernières consacraient la puissance du Parlement au détriment d’un pouvoir exécutif très affaibli. Ce déséquilibre avait pour conséquence une grande instabilité gouvernementale : en douze ans, la IVème République a vu son gouvernement modifié 24 fois. Pour garantir un exécutif fort, tout un arsenal constitutionnel a été mis en place, au sein duquel on retrouve l’article 49 alinéa 3.    

« Le champion du 49.3 sous la Vème, c’est Rocard ! »

Sa pratique a évolué tout au long de la Vème. Priscillia Jensel-Monge en identifie 3 différentes : « la première était de construire une majorité. Le 49.3 a ensuite été utilisé durant la période 1988-1993 pour pallier l’absence de majorité ».  Au début du second septennat de François Mitterrand, le gouvernement ne disposait que d’une majorité relative. Le 49.3 était alors utilisé pour faire passer ses projets de loi, sans réellement craindre une motion de censure. « Car jamais les groupes minoritaires de la majorité et l’opposition n’allaient s’entendre sur le fait de renverser le gouvernement » explique la publiciste. Or selon l’alinéa 2 du même article 49 de la Constitution, pour aboutir, une motion de censure doit être adoptée par la majorité des députés composant l’Assemblée, soit 289. En trois ans, Michel Rocard alors Premier ministre use à 28 reprises du 49.3. Au total, quinze textes ont été adoptés avec cette méthode.

Enfin, la troisième hypothèse est la plus actuelle : le 49.3 pour lutter contre l’obstruction parlementaire. La procédure est ainsi utilisée par des gouvernements possédant de larges majorités, pour lutter contre les manœuvres dilatoires de l’opposition. Cette utilisation a ainsi permis d’achever l’examen du texte sur le projet de loi de réforme des retraites, sur lequel plus de 41 000 amendements ont été déposés. 

Grégoire Cherubini