La directrice générale du Fonds monétaire international est aujourd’hui l’une des personnalités les plus influentes du monde économique. Sa brillante ascension, dans un milieu longtemps resté fermé aux femmes, force le respect.

« Choquée et meurtrie ». C’est par ces termes que l’ancienne ministre de l’Economie et des Finances a traduit son état d’esprit à la suite de sa mise en examen pour « négligence », le mardi 26 août 2014, dans le cadre de l’affaire Tapie-Crédit Lyonnais. La décision de la Cour de justice de la République a surtout révélé une face encore méconnue de la personnalité de l’avocate d’affaires de formation, aujourd’hui âgée de 58 ans. Jamais, au cours de son riche parcours, Christine Lagarde n’a manifesté le moindre doute quant à son devenir. Le Conseil d’administration du FMI, convaincu de l’intégrité de sa directrice générale, lui a renouvelé sa confiance.

Il faut dire que depuis son arrivée à la tête du FMI, en 2011, Christine Lagarde s’est imposée en « patronne ». Ses interlocuteurs, chefs d’Etat et de Gouvernement, mais aussi le personnel de l’institution monétaire, n’ont pas mis longtemps à la surnommer ainsi. Du haut de son mètre soixante-quinze, la vice-championne de France de natation synchronisée 1971, impressionne. Son impeccable carré « poivre et sel », surmonté d’une mèche obstinément rebelle, lui donne une allure thatchérienne. L’éclatante sobriété de ses tenues –les maisons Chanel, Ventilo et Didier Parakan lui prêtent leurs plus beaux ensembles- la rend presque mystique.

L’aura que dégage madame Lagarde se propage au-delà des frontières françaises puisque le magazine Forbes la classe cinquième femme la plus puissante au monde en 2014, aux côtés de chefs d’Etat ou de Gouvernement comme la chancelière Merkel. Depuis qu’elle tient les rênes de l’institution washingtonienne, celle qui est née non loin de l’Opéra Garnier doit faire face à un concert de crises économiques et politiques. La crise des dettes souveraines dans la zone euro, le « fiscal cliff » américain, la stagnation de la croissance dans les pays développés… Chaque défi qui se présente à Christine Lagarde lui offre l’occasion d’asseoir son autorité, quitte à se montrer cavalière.

  • BIO EXPRESS
  • 1959 Naissance à Paris.
  • 1981 DESS en droit social.
  • 1999 Présidente du comité exécutif mondial de Baker& McKenzie.
  • 2005 Ministre déléguée au Commerce extérieur.
  • 2007 Ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie.
  • 2011 Directrice générale du Fonds monétaire international.

Le 25 mai 2012, elle n’hésite pas à inviter les Grecs à « commencer par s’entraider collectivement [en] payant tous leurs impôts » plutôt que de réclamer une nouvelle aide des pays étrangers et du FMI. Et de préciser que la condition du peuple grec lui importait moins que celle des enfants du Niger. Son caractère bien trempé lui a néanmoins été d’un grand secours tout au long de son brillant parcours.

Le « plafond de verre » ? Elle le brise

Première femme à occuper le poste de directrice générale du FMI, la Parisienne, qui a passé son enfance au Havre, n’en est pas à son premier record. Si elle échoue, à deux reprises, à intégrer l’ENA après avoir étudié à l’Institut d’études politiques d’Aix-enProvence, elle présente tout de même deux maîtrises, en anglais et en droit des affaires, ainsi qu’un DESS en droit social de l’Université Paris-Nanterre. À la sortie de ses études, en 1981, elle intègre le barreau de Paris ainsi que le cabinet parisien de Baker & McKenzie.

Elle y restera 25 ans et y gravira tous les échelons. Le « plafond de verre » ? Elle le brise. Membre en 1995 du comité exécutif mondial du cabinet, à Chicago, elle le dirige en 1999. Christine Lagarde devient la première femme à occuper ce poste prestigieux. Elle quitte finalement le cabinet et la robe en 2005 et débute une carrière politique fulgurante. Repérée par JeanPierre Raffarin, elle est nommée ministre déléguée au Commerce extérieur par le Premier ministre Dominique de Villepin. Dès sa prise de fonction, elle se distingue en qualifiant le droit du travail français de « compliqué, lourd et constituant un frein à l’embauche ». Immédiatement recadrée, elle ne fera plus parler d’elle jusqu’en 2007. Installée au ministère de l’Agriculture suite à l’accession de Nicolas Sarkozy à la présidence, elle devient un mois plus tard ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie. Une fois de plus, elle devient la première femme à occuper la fonction.

Un poste auquel elle semble s’épanouir notamment lors des rencontres internationales où son anglais parfait fait merveille. Elle devient même épisodiquement la traductrice privilégiée du président Sarkozy. Le 28 juin 2011, suite au départ de Dominique Strauss-Kahn, Christine Lagarde est nommée directrice générale du FMI et quitte Bercy.

Si elle avoue souvent son faible pour la littérature révolutionnaire et son « goût naturel pour les changements », la « patronne » doit aujourd’hui observer le traitement que lui réserve la Cour de justice de la République. Alors que certains lui prêtent des ambitions pour la primaire de l’UMP en vue de l’élection présidentielle de 2017, madame Lagarde doit aujourd’hui avancer avec prudence et s’atteler à achever son premier mandat à la tête du FMI, jusqu’en 2016.

Nicolas Rinaldi,

élève en Magistère 2, portrait réalisé dans le cadre du cours de M. Naudet (journalisme économique)