2021 sonne la fin d’une année difficile, notamment pour les étudiants. Les confinements successifs, les enseignements en distanciel, la fermeture des facultés et autres lieux de socialisation leur ont fait perdre leurs repères. Les fêtes d’années sont, pour quelques chanceux, l’occasion de se retrouver.
 
A quelques centaines de kilomètres d’Aix-en-Provence, un délicat manteau blanc recouvre les Pyrénées. De la fumée s’échappe de la plupart des cheminées de la petite station de ski des Angles. Pas de doute : la saison des fêtes est désormais là. La fermeture des remontées mécaniques n’a en rien empêché l’exode vers le grand air. Rien d’étonnant à cela. Cette année, les saisons se sont succédé dans l’indifférence : pas de bourgeons ni d’arbres en fleur coincé dans son salon, ni de bain de soleil dans son bureau. Toujours, tous les jours, les mêmes paysages : la salle de bain, le lit, la cuisine. Le froid mordant et le blanc éclatant rappellent que oui, le temps passe. Même bloqué entre la salle de bain, le lit, la cuisine.
 
Cette année a mis bien des Français à rude épreuve. La routine n’a jamais été aussi omniprésente dans la vie quotidienne, alors même que le quotidien ne ressemblait plus à rien de connu. Seul le travail était permis, or il était interdit de s’y rendre. Il fallait s’informer sans tomber dans la psychose. Rester proche des êtres aimés, mais derrière un écran. Alors, les flocons qui tombent doucement sur les chalets illuminés sont délicieusement clichés. Dignes de cartes postales. Le stéréotype devient exquis quand même la routine n’est plus banale.
 
C’est dans ce cadre idyllique que certains ont la chance de se retrouver pour les fêtes de fin d’année. C’est le cas de Lucie. Son père lui a prêté le chalet familial pour qu’elle et ses amis fêtent  la nouvelle année. Une fois sur place, le maître mot est émerveillement. La neige brûle les doigts des étudiants qui se ruent pourtant dessus. La douceur des manteaux et la chaleur des étreintes les réchauffent quelque peu. Près du feu, ils s’attellent à rattraper le temps perdu : des cadeaux attendent sagement sous le sapin et dans les bras de Justine. Le brouhaha des discussions camoufle le bruissement du papier cadeau. Ils échangent sur leurs études, leurs partiels, leur futur. Il leur semble, plus que jamais, incertain. Yann souhaite travailler dans le domaine de l’écologie, mais les confinements successifs ont mis fin à ses enseignements les plus pratiques. Adieu les sorties sur le terrain. A la place il étudie l’économie, la cartographie, le droit. Odile tente de déchiffrer les diapositives mises en ligne par son professeur d’économie. Il a refusé de diffuser l’enregistrement audio de son cours du samedi. Pourtant elle ne peut y assister ; son job étudiant la mobilise tous les weekends. Il n’y a ni aigreur ni détresse dans les récits du groupe d’amis. Ce qui fait le plus peur, ça n’est pas d’apprendre derrière un écran. C’est d’apprendre seul. Une fois partagées, leurs expériences leur paraissent bien plus surmontables.
 
Mais le temps pour eux n’est pas à la contemplation. On est le 31 décembre 2020. Le soleil disparait et teinte le ciel de rouge, orange, magenta, bleu roi. Les couleurs se troublent derrière la buée des fenêtres comme si Monet les avait disposées là lui-même. Dans le chalet familial, Lucie et ses amis se bousculent. Au nouvel an, on se fait beau. Les filles s’échangent leurs vêtements, bijoux, accessoires. Chacune porte un peu de l’autre. Elles se précipitent de chambres en chambres, s’éparpillent, parlent fort, se réjouissent de quitter leurs pyjamas le temps d’une soirée. La scène a quelque chose de burlesque. Il est si bon de grossir un trait qui avait presque disparu. Alors tout est fait au mieux : la table est joliment dressée, les meilleures bouteilles sorties, le menu décidé à l’avance. Des feux d’artifices illuminent le ciel lorsque sonnent les douze coups de minuit. Il est l’heure de souhaiter les vœux. L’heure d’être superstitieux. Certains se refusent à souhaiter la bonne année à leurs proches. A quoi bon ? La dernière fois, ce n’est pas comme si cela avait suffi. D’autres choisissent d’y croire. Les jours heureux se pointent tandis que le soleil se lève. Bonne année.
 
Lucie Hugonenc