(©Marie Lagache)
Magistrats, gendarmes, policiers, avocats, soignants, associations, Préfecture, Conseil départemental et de nombreux services de la Justice participent au quotidien à la lutte contre les violences conjugales. Afin de leur permettre de travailler encore plus en synergie, le Tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence a organisé une journée de formation.
104 féminicides en 2020. Et ce chiffre a déjà été dépassé pour l’année 2021, selon le procureur adjoint d’Aix-en-Provence Olivier Poulet. Si les chiffres varient légèrement d’une source à l’autre, le constat reste le même pour tous : c’est encore beaucoup trop. Et le Tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence a justement organisé le vendredi 8 octobre une journée de formation relative aux violences au sein du couple. Dans le tout nouveau Palais de justice, ouvert depuis seulement quelques semaines, tous les intervenants dans la lutte contre les violences conjugales ont répondu à l’invitation.
Magistrats, gendarmes, personnels hospitalier et pénitentiaire, travailleurs sociaux et associations se sont réunis afin de travailler ensemble sur les aspects juridiques et psychologiques de cette lutte. Car si 220 000 femmes se retrouvent victimes de violences conjugales chaque année en France, seulement 20% portent plainte, selon Ernestine Ronai, membre du Haut Conseil à l’égalité femmes-hommes. Lors de cette journée les intervenants parlent majoritairement de féminicides. « Je prends en compte le réel, et nous savons que ce sont majoritairement les femmes victimes et les hommes agresseurs », explicite Ernestine Ronai en introduction.
La nécessité de renforcer la synergie dans la lutte contre les violences
« On a souvent le sentiment d’être seul face à ce genre de situations », interpelle une des participantes à la formation. L’objectif et la nécessité de cette journée se retrouvent dans cette problématique. « Il faut renforcer la synergie entre tous les intervenants dans la lutte contre les violences conjugales », résume parfaitement Isabelle Rome, haute fonctionnaire en charge de l’égalité femmes-hommes. « Je suis preneuse des difficultés que vous rencontrez afin de les faire remonter et d’améliorer les choses », rajoute la représentante du ministère de la Justice.
Isabelle Rome vient directement de la place Vendôme pour prendre la parole lors de cette formation à Aix-en-Provence. La haute fonctionnaire résume les changements législatifs dans la lutte contre les violences conjugales depuis le Grenelle de 2019. Une prise de conscience a eu lieu sur la notion d’emprise, le mécanisme dans lequel l’agresseur enferme sa victime, et au sujet des impacts dévastateurs sur les enfants. « C’était important pour nous d’entendre parler ces hauts fonctionnaires », estime Anissa, juriste accueillante victime au sein de l’Association aixoise de Prévention Et de Réinsertion Sociale (Apers).
La présentation suivante, celle d’Ernestine Ronai, va marquer le public. Membre du Haut Conseil à l’égalité femmes-hommes, elle réussit immédiatement à capter l’attention de la salle. Ernestine Ronai réalise une critique de la société à base d’extraits littéraires. Devant la portée des propos sélectionnés, entre silences et sourires, le public capte parfaitement la portée de son message. « Chacun peut être l’intervenant qui va aider une femme à sortir des violences. »
Identifier les signes de violence au sein du couple afin d’endiguer le processus
« Connaître les mécanismes aide à mieux repérer la violence. Si on ne pose pas de question, on n’a pas de réponse. Il faut donner du crédit à la parole des victimes », recommande ainsi Ernestine Ronai. « Cette journée de formation m’a été proposée par ma direction. J’ai accepté en raison des intervenants présents, notamment Madame Rome et Madame Ronai », commente Pascale, assistance sociale à la police judiciaire. « Ce matin, c’était intéressant d’entendre parler du phénomène d’emprise ou encore des multiples allers retours en justice », apprécie de son côté Anissa.
La matinée se termine par un cas pratique présenté par Olga Louis Richon, directrice de l’Apers. L’association s’occupe de la prise en charge des victimes et des auteurs de violences sur le ressort du Tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence. Plusieurs bénévoles prennent la parole à tour de rôle pour décrire l’accompagnement d’une femme mise à la porte avec son enfant de 20 mois, après avoir été violentée par son conjoint. L’Apers réalise aussi une enquête sur la situation du couple. « L’objectif est de donner le maximum d’éléments au magistrat pour qu’il puisse prendre la meilleure décision », explique une représentante de l’association.
Une formation continue et nécessaire pour lutter contre les violences conjugales
La psychologue clinicienne Linda Tromeleue clôt cette journée en se penchant sur les traits de personnalité des auteurs de violence. La psychologue révèle aux participants les caractéristiques des agresseurs et l’attitude à adopter à leur égard. Linda Tromeleue déchiffre ensuite l’impact traumatique des violences conjugales sur les femmes. « Les victimes ressentent la honte qui devrait être celle de l’agresseur. » Pascale, l’assistante sociale à la police judiciaire, trouve cette présentation pertinente. « Ça arrive qu’on suive des victimes de violence et c’est un public particulier, donc il faut une prise en charge spécifique », commente la jeune femme.
« Je voudrais que les formations de ce type se développent. Si vous n’êtes pas formé, vous ne pouvez pas savoir comment agir », annonce Renaud Le Breton de Vannoise, premier Président de la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence. Tous les intervenants et les participants reconnaissent d’ailleurs l’importance de ce type de journée. « Nous continuons à apprendre beaucoup de choses », souligne quant à lui Francis Jullemier-Millaseau, président du Tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence. Les mots de Gisèle Halimi, avocate et militante féministe, repris par Ernestine Renai résonneront comme une juste conclusion. « Ne vous résignez jamais. »