« Européennes : un désintérêt plus qu’un désaveu », titrait Les Échos le 26 mai 2014. En effet, l’Europe n’attire que très peu de monde autour des urnes : en France, le taux d’abstention était de 56% lors des dernières élections.
« Je ne sais pas ce que sont réellement les élections européennes. Je ne sais pas pourquoi on vote en fait, quels sont les enjeux, je ne me projette pas». Marie, étudiante de 21ansn, n’ira pas voter le 26 mai prochain.
Pourtant, les élections européennes font partie de notre environnement politique depuis 1979. C’est le seul moment où tous les membres de l’Union Européenne peuvent voter pour la même chose: les 701 députés européens qui vont nous représenter pendant les cinq prochaines années. Cette élection est la première pour le renouveau des institutions européennes. La majorité politique issue de ce scrutin déterminera la couleur politique du chef du parlement. Mais cette année, selon Isabelle Coustet, Chef du Bureau du Parlement Européen en France, les enjeux sont plus importants : « le contexte mondial a changé. Les États-Unis refusent le multilatéralisme, l’Angleterre veut quitter l’Union Européenne, nous sommes confrontés au terrorisme et à divers conflits sur les frontières… Il est donc primordial de consulter l’ensemble des Européens pour savoir ce qu’ils désirent faire avec toutes ces problématiques ».
Ce que la plupart des gens ignorent, c’est que le Parlement Européen est le législateur de toutes les lois européennes : « il a plus de poids que les institutions nationales pour régler des problématiques qui ne peuvent pas l’être au niveau national. Les émissions de gaz carbonique, le droit des femmes, le carburant des voitures… toutes ces questions nous concernent au quotidien et se règlent au niveau européen ». Si certains se disent mal informés, comme Marie, d’autres confondent les élections européennes avec une première occasion de manifester leur contentement, ou non, pour le gouvernement en place. « Je vais aller voter pour m’opposer à la politique que mène Macron », confie Grégory, informaticien de 31 ans. A l’extrême, Gilles, avocat de 56 ans, « se fiche totalement de ses élections ». En bref, sur une dizaine de personnes interrogées, seulement deux savaient réellement pour quelles raisons ils allaient voter. C’est le cas de Bruno, enseignant en classe préparatoire scientifique de 45 ans : « je vais aller voter car je suis persuadé qu’une grande partie des choses se passe au niveau européen. Je vote parce que crois en l’Europe». Mais comme beaucoup de personnes, il ignore la date des prochaines élections.
« On ne voit la politique que par le prisme du système français »
Pour Isabelle Coustet, ces témoignages sont courants en France. C’est plus un problème de vision politique que d’information. « On est dans un espace politique cloisonné. On ne voit la politique que par le prisme du système français ». Elle explique aussi que les Français « ont du mal à voir au quotidien le rôle précis de l’Europe. En plus, on a beaucoup de mal à incarner ces élections. Nous n’avons pas d’homme politique européen qui nous est familier ». Par contre, elle nous rassure au moins sur un point : les Français ne sont pas les plus mauvais élèves. « C’est dans les pays de l’Est que l’abstention est très forte. La Slovaquie est à 86% par exemple », déplore-t-elle. Mais en France, « il est dommage de ne pas voter car nous sommes l’un des pays fondateurs de l’Union Européenne avec une forte densité de population».
Mobiliser les jeunes et les impliquer dans leur vote
Pour tenter de donner un nouveau souffle aux prochaines élections, le Parlement Européen s’est concentré sur les jeunes : c’est eux qui vont faire campagne grâce à la plateforme « cette fois je vote ». Elle a été lancée lors de la rencontre des jeunes à Strasbourg (EYE2018) en juin dernier lors de laquelle plus de 3 000 participants se sont d’ores et déjà engagés.
Selon Isabelle Coustet, « il faut impliquer les gens dans leur vote ». De ce fait, quand on s’inscrit sur le site, on coche des thématiques qui nous intéressent. Par ce principe, « les gens identifient eux-mêmes les raisons de leur vote. On peut avoir envie de s’investir dans l’Europe pour l’environnement, les frontières, la justice, la sécurité, un mode de vie, le droit des femmes… ». On reçoit dès lors de la documentation en fonction de ce qu’il nous tient à cœur et on la relaye sur les réseaux sociaux en expliquant que «cette fois, je vote!».
« Les jeunes doivent s’approprier ce vote et c’est eux qui vont faire campagne » conclut Isabelle. C’est le cas d’Emilie, 23ans, étudiante en communication. « J’ai découvert la plateforme un peu par hasard sur Facebook ou Twitter, je ne sais plus. Pour mes études et mes engagements associatifs, j’ai été amenée à me poser des questions sur l’Union Européenne et à aller voter en connaissance de cause ». Depuis, elle reçoit des mails régulièrement qui lui rappellent certains débats et événements sur l’Europe dans sa zone géographique. Le prochain sera à Marseille le 24 octobre prochain.
Megan Arnaud