Au plus fort de la crise, un cessez-le-feu entre la Turquie et les Kurdes syriens a finalement été obtenu par les États-Unis. Jeudi 17 octobre, le pouvoir turc a communiqué sa décision de suspendre ses opérations militaires en Syrie pendant une durée de cinq jours révolus (120 heures). Ce délai expiré, la Turquie mettra définitivement fin à son offensive si la « trêve » est accompagnée d’un retrait des forces armées kurdes. Retour sur un conflit aux répercussions géopolitiques majeures.
« Pendant 120 heures, toutes les opérations militaires dans le cadre de l’opération Source de Paix vont être suspendues et l’opération sera complètement arrêtée une fois ce retrait achevé ». Après des négociations tendues, Mike Pence, vice-président américain, a obtenu la suspension militaire des opérations turques visant les Kurdes en Syrie. Un cessez-le-feu devant déboucher sur un arrêt total des opérations, une fois l’évacuation des forces armées kurdes achevée. Toutefois, pour bien comprendre cette décision, le contexte dans lequel elle intervient et ses implications, il faut revenir quelques mois auparavant.
En décembre 2018, après l’anéantissement de l’entité État Islamique, le président Donald Trump annonce le retrait des troupes américaines du théâtre syrien. Face à la pression politique interne et celle de la communauté internationale, il revoie sa position et ne décrète qu’un retrait partiel. Quelques mois plus tard, le 12 août 2019, Ankara et Washington se mettent d’accord pour l’établissement d’une « safe-zone » commune dans le nord de la Syrie, à la frontière turque. Le président Erdogan donne 45 jours à son homologue américain pour établir cette zone. Le 6 octobre dernier, la Turquie estime que ce délai est expiré et incite les États-Unis à se retirer. Donald Trump accepte. Une véritable trahison pour les Kurdes de Syrie, principaux acteurs de la victoire contre l’État Islamique et livrés à eux-mêmes face à une Turquie dont les intentions ne font aucun doute. Il n’existe dès lors plus aucun obstacle empêchant les Turcs de lancer une offensive contre les Kurdes syriens.
L’opération « Source de Paix » débute le 8 octobre et provoque l’indignation de la communauté internationale. Deux jours plus tard, l’offensive terrestre turque est lancée. Cela entraîne la réunion d’urgence du conseil de sécurité de l’ONU. Les enjeux sont en effet cruciaux. En plus du risque d’extermination d’une minorité ethnique (les Kurdes), cette action militaire met en danger la lutte contre l’Islamisme radical dans la région. La plupart des prisonniers de l’ancien État Islamique se trouvent ainsi sous la surveillance kurde. Il faut ajouter à cela, un nouveau désastre humanitaire en devenir. Sur tous les continents, les interventions politiques condamnent l’action turque sans qu’aucune mesure concrète ne soit prise, hormis l’établissement de sanctions économiques. Sous pression, les États-Unis se voient obligés d’ouvrir des négociations avec la Turquie pour obtenir un cessez-le-feu et décanter une situation aussi honteuse que périlleuse. Un accord est ainsi obtenu dans la soirée du 17 octobre. Il garantit une arrêt provisoire de l’offensive qui peut déboucher sur une résolution définitive du conflit, même si les bombardements n’avaient pas totalement cessé quelques heures plus tard. Cette crise, si elle n’est pas encore résolue a, en tout cas, montré les limites de la politique étrangère américaine aussi opportuniste que douteuse. Elle a surtout mis en lumière l’incapacité de la coalition à soutenir ses alliés et s’élever véritablement contre la Turquie pour l’empêcher de commettre de nouvelles exactions…
Maxence Gevin