18h. Ouverture des portes. L’amphithéâtre Portalis n’aura jamais été aussi rempli – sauf peut-être au moment de la rentrée scolaire et de la découverte des nouveaux enseignements. Vendredi 8 février, l’enceinte a fait salle comble. Étudiants, professeurs et curieux se sont réunis pour la finale du concours d’éloquence Démosthène, organisé par le bureau des étudiants de droit.

 

Agitation, excitation, hâte. Voilà l’état d’esprit que l’on ressent par le tumulte de l’assemblée. Mais le brouhaha laisse rapidement place au calme et à la concentration. La lumière principale s’éteint pour ne laisser que la scène apparaître. Entre alors Paul Gauvain – vice-président du BDE, en charge du concours – qui d’un air censément assuré, rejoint le pupitre, encensé par l’assemblée. Il appelle d’abord un par un les membres du jury. Parmi ceux-ci, Jean-Philippe Agresti – doyen de la faculté – qui par son « dab » affirmé, démontre qu’il est maître dans l’art de galvaniser les foules. Puis Paul entame alors son discours, qui n’a pas été sa priorité première – en témoignent les trente minutes qu’il a consacrées à son écriture. Face à son auditoire, il est ému de rappeler les péripéties qui caractérisent l’organisation d’un tel concours. Ces inlassables « imprévus, retards et annulations », qui font de Démosthène un événement « unique en son genre ». Et après le protocole, place au spectacle. Ce vendredi, près de huit cent personnes ont fait le déplacement pour assister à la « petite » et à la « grande » finale du concours. S’affrontent respectivement Nour Benyounes et Carl Zakaria, Antoine Daligaux et Coralie Capponi. Avant leur entrée sur scène, le vice-président termine sur ces mots de Jean-Jacques Rousseau : « Quiconque veut trouver quelques bons mots n’a qu’à dire beaucoup de sottises ». Selon lui, c’est un parfait résumé du concours, de son ambiance bienveillante entre candidats, jury et public.

 

« Ça va ? »

 

Il faudra bien une heure avant de procéder à la finale tant attendue – et pour quel sujet ! – . C’est à la question « ça va ?», simple en apparence, qu’Antoine et Coralie ont mené une véritable joute verbale de huit minutes chacun. C’est une distraction enrichissante et un plaidoyer bien mené que les deux finalistes ont offert au public. Et c’est la positive de ces discours contradictoires qu’il l’a emporté. En effet, Antoine Daligaux a su allier son expérience personnelle, ses goûts et ses références culturelles, tout cela avec une pointe d’humour maîtrisée. Il aura fallu onze jours, trois phases de sélection, vingt-quatre heures de préparation, et un peu – peut-être beaucoup ?,– de courage pour que le grand gagnant réalise l’exploit.

Il aura fallu du temps et de l’acharnement aux candidats. Et tout autant du côté de l’organisation. Démosthène, c’est une préparation qui commence dès le mois de septembre. Le BDE a à cœur de proposer un format d’une qualité irréprochable. Dès ses balbutiements, le concours a voulu donner la parole aux étudiants. Qu’ils aient une plateforme pour s’exprimer, qu’ils puissent pratiquer l’art oratoire. Car mise à part l’importance de l’expression, être éloquent c’est à la fois convaincre et persuader. Qualités finalement requises à qui aimerait s’épanouir dans la sphère juridique. C’est d’ailleurs Maître Jean Martinez – avocat au Barreau de Marseille – qui a créé le concours Démosthène en 1995. Aujourd’hui le concours est une initiative purement étudiante, qui démontre aussi la volonté des jeunes à pratiquer l’art des mots. Paul, vice-président du bureau des étudiants et élève en licence, le dit lui-même : « Les paroles ont du poids. Même le juge se doit d’être éloquent lorsqu’il lit une délibération ».

 

« L’art oratoire il faut le faire pour le plaisir aussi »

 

Prendre la parole devant une assemblée de quatre cent personnes est pour certains un défi. Mais surtout une bonne expérience, très enrichissante. Les éliminatoires pour le concours ont débuté le 28 janvier ; après deux mois de phase de sélection, au volontariat. Les candidats venant de tous horizons, aussi bien de droit que de lettres ou encore de médecine. Cette année, soixante-quatre candidats se sont affrontés sur des sujets spécialement concoctés par le BDE. Des sujets divers et variés, tels que « Les images parlent-elles d’elles-mêmes ? », ou encore « Un insomniaque peut-il vivre une vie de rêve ?». Devant le jury et le public présent, les participants étaient tenus de respect six critères bien précis, et rappelés dans le règlement officiel du concours : la qualité de l’argumentation et de l’expression orale, la diction, l’attitude face au public, au jury et au contradicteur, et bien sûr le respect du sujet. Paul Gauvain aime à le rappeler, malgré quelques contraintes, ce qui fait la beauté du concours Démosthène c’est la liberté offerte aux candidats. Ils ont la possibilité de sortir des cadres traditionnellement imposés. Il le dit, « L’art oratoire il faut le faire pour le plaisir aussi ».

Benjamine Rombhot