L’année 2021 a été marquée par une recrudescence des violences envers les élus. Selon les chiffres du ministère de l'Intérieur, les agressions physiques ont augmenté de 47% sur les onze premiers mois de 2021, par rapport à la même période l'année précédente.
« Je n’arrive pas à comprendre cette violence envers des gens de bonne volonté, il y a une disproportion entre l’envie de servir et la colère de certains ». Dominique Augey, maire adjointe d’Aix-en-Provence est indignée. Pour les onze premiers mois de 2021, le ministère de l’intérieur a recensé 1 186 agressions physiques d’élus dont 162 parlementaires et 605 maires. Les maires et leurs adjoints ont été les plus touchés. Ces agressions se sont multipliées ces dernières semaines et tout le territoire est concerné. Le 9 janvier 2022, le député Stéphane Claireaux (LREM) a dû faire face à des manifestants anti-passe jetant des projectiles devant son domicile de Saint-Pierre-et-Miquelon. Ce samedi 22 janvier à Perpignan, près de 250 manifestants contre le passe vaccinal ont décidé de s’en prendre à la permanence du député de la majorité Romain Grau.
Ce phénomène n’est pas nouveau et fait partie d’un processus
Les causes de cette violence sont multiples. La hausse des agressions d’élus émerge d’un processus déjà en marche depuis quelques années qui touche toute la société. En exprimant leur colère envers le gouvernement sur les ronds-points, le mouvement des gilets jaunes en fait partie. La division de la société à cause de la crise sanitaire a également contribué à la hausse significative des événements violents contre les élus. Cependant, pour Dominique Augey, « c’est un phénomène beaucoup plus général, et donc bien plus inquiétant ». Sophie de Cacqueray, maître de conférences en Droit public à l’Université Aix-Marseille, ajoute d’autres causes à ces épisodes de violence contre les élus. Les réseaux sociaux et le traitement journalistique de l’information par les chaînes d’informations en continu ont contribué à la décrédibilisation. « Les élus sont atteints comme d’autres, l’assassinat de Samuel Paty relève du même processus ». Pour la spécialiste de droit public, « les réseaux sociaux sont un moyen pour les citoyens de répandre et lancer leurs appels à la haine ». Les agressions d’élus ne sont pas un phénomène isolé. En déversant leurs « punchlines et leurs outrances » afin d’être sur le devant de la scène médiatique, la classe politique n’est pas non plus irréprochable. Les citoyens cherchent des responsables, et généralement le coupable « c’est le député à côté de chez vous ».
Un danger pour notre démocratie
« Il y aussi une vraie distance entre les citoyens et leurs élus de façon générale ». Cette violence citoyenne provient également d’une méfiance envers la classe politique. Pour certains, « le bulletin de vote n’est plus une arme, l’arme utile est ailleurs ». L’action violente leur semble être la seule option. « Etre maire c’est avoir énormément de responsabilités, et des risques juridiques importants sur votre personne », ça en devient décourageant. « Parmi les nouveaux élus de 2017, un certain nombre ne veut plus faire partie de la vie politique. Sur les petites communes, on a un problème de candidats », analyse Sophie de Cacqueray. D’après une consultation menée par le Sénat en 2019, parmi les 3 812 élus qui ont répondu, 92% déclarent avoir été victimes de violences verbales ou physiques pendant l’exercice de leur mandat. Seuls 37% d’entre eux ont porté plainte par peur de représailles, manque de temps ou par difficulté à prouver les faits.
« Certainement qu’un jour on aura quelque chose de grave ». Cette montée sociétale de la violence provoquera un drame si les tensions contre la classe politique continuent de grimper. « On est entré dans une société dans laquelle si on n’est pas d’accord, on peut en venir à des actions violentes ». Ce phénomène a toujours existé. Mais aujourd’hui la haine se véhicule beaucoup plus rapidement. Pour tenter de trouver un début de solution à cette hausse des agressions, « il faudrait déjà que tous les partis politiques condamnent ces faits ». Le climat politique tendu lié aux prochaines élections présidentielles en avril ne risque pas de participer à la chute des tensions entre citoyens et élus. « Tous responsables », résume Sophie de Cacqueray.
Tessa Jupon